BYD, le géant chinois de l’électromobilité, fait tourner toutes ses usines à plein régime… et accumule les stocks invendus. En mai 2025, le constructeur annonçait avoir 340 000 véhicules prêts à être livrés, mais qui attendent toujours preneur. Pendant ce temps, les lignes de production continuent de cracher des modèles à un rythme effréné, pour tenir les ambitions d’exportation… au risque d’étouffer le marché mondial.

Une success story née des batteries

Tout a commencé en 1995, lorsque BYD (« Build Your Dreams ») se lance dans la fabrication de batteries lithium-fer-phosphate à bas coût. En 2003, l’entreprise rachète un constructeur automobile en difficulté, amorçant sa montée en puissance dans l’automobile hybride, puis 100 % électrique. Le tournant de la “Blade Battery” permet d’atteindre une densité énergétique suffisante pour le secteur automobile tout en garantissant un prix compétitif.

Explosion de la production et position mondiale

Entre 2020 et 2024, la production d’automobiles de BYD a été multipliée par dix, atteignant 4,27 millions de véhicules par an. Conséquence :

  • 2022 : troisième producteur mondial de batteries.
  • 2023 : plus grand constructeur de voitures électriques du monde, dépassant Tesla.
  • Part de marché en croissance, malgré une concurrence interne et internationale.

Et pourtant, les chiffres du premier trimestre 2025 sont surprenants : +45 % de croissance sur le marché chinois des VE, mais seulement +5,5 % pour BYD. Une première alerte sur la saturation.

Le dilemme des stocks trop abondants

Accumuler 340 000 voitures invendues n’est pas un simple accident : c’est le résultat d’une stratégie de “push” où l’offre dépasse nettement la demande. Pourquoi ?

  • Guerre des prix : BYD brade ses modèles phares pour évincer la concurrence locale et internationale.
  • Subventions étatiques : Des aides généreuses en Chine encouragent la production sans tenir compte de l’absorption du marché.
  • Capacités maximales : Infrastructure de production et chaîne d’approvisionnement dimensionnées pour un volume élevé.

Le problème se pose désormais de manière aiguë : comment écouler ces véhicules sans déstabiliser le marché mondial ?

La fuite en avant vers l’exportation

Pour répondre à l’excédent, BYD a mis en place une flotte de six navires roulants, capables de transporter jusqu’à 9 000 voitures chacun. La cible : les marchés étrangers, principalement l’Europe et, dans une moindre mesure, l’Amérique du Nord. Mais plusieurs obstacles freinent cette stratégie :

  • Droits de douane élevés : Union européenne et États-Unis ont augmenté les taxes sur les importations chinoises.
  • Logistique coûteuse : Transport maritime longue distance génère coûts supplémentaires et émissions carbones contradictoires avec l’image verte.
  • Concurrence locale : Constructeurs européens proposent de plus en plus de modèles électriques adaptés au marché régional.

Des prix encore dissuasifs en Europe

Le slogan “voiture électrique abordable” se heurte à la réalité tarifaire sur le Vieux Continent. Exemple concret :

  • Dolphin Surf (renommé Seagull en Chine) : à partir de 23 000 € en Europe, contre l’équivalent de 6 000 € sur le marché domestique chinois.

Cet écart reflète l’impact des droits d’importation et des coûts logistiques. Il rend l’offre BYD moins compétitive malgré une demande globale d’électriques bon marché.

La solution : produire localement en Hongrie

Pour contourner les barrières tarifaires, BYD a commencé à installer une usine de bus électriques en Hongrie et projette d’y construire une seconde unité dédiée aux voitures particulières. Les avantages :

  • Évitement des droits de douane sur les véhicules importés hors UE.
  • Rapprochement du lieu de fabrication des principaux marchés européens.
  • Création d’emplois et amélioration de l’image locale.

Cependant, cette montée en puissance en Europe peut aussi aggraver les craintes de délocalisation industrielle et de fuite de la valeur ajoutée vers la Chine.

Quelles leçons pour l’industrie mondiale ?

Le cas BYD illustre les risques d’une croissance fondée sur la quantité sans équilibre avec la demande. Les constructeurs et gouvernements du monde entier peuvent en tirer plusieurs enseignements :

  • Adéquation offre-demande : Planifier la capacité de production en fonction des prévisions réalistes.
  • Subventions ciblées : Adapter les incitations fiscales pour éviter la surproduction.
  • Encourager l’intégration locale : Favoriser les partenariats industriels pour maintenir la chaîne de valeur régionale.

En attendant, BYD continue de repousser ses limites de fabrication avec l’objectif de devenir le premier constructeur mondial toutes motorisations confondues. La question reste ouverte : pourra-t-il absorber ses propres volumes et ceux des marchés extérieurs sans provoquer d’“inondation” qui déstabiliserait le secteur ?

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