Passer sa vieille thermique en zéro émission grâce à un moteur électrique retrofit, ça ressemble un peu à de la science-fiction… mais c’est désormais tout à fait légal, encadré, et de plus en plus accessible en France. Que vous rouliez en petite citadine, en youngtimer ou en utilitaire, le retrofit peut offrir une seconde vie à votre véhicule tout en coupant le cordon avec le carburant.

Encore faut-il savoir comment ça se passe concrètement. Quelles sont les étapes clés, les contraintes, les coûts, les papiers ? On passe tout ça au crible, étape par étape, sans jargon inutile.

Pourquoi envisager un moteur électrique retrofit ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut comprendre ce que le retrofit apporte réellement.

Le retrofit électrique consiste à remplacer le moteur thermique (essence ou diesel), la boîte parfois, et tout le système d’alimentation (réservoir, ligne d’échappement…) par un moteur électrique, un pack de batteries et l’électronique qui va avec. En résumé, on garde la carrosserie, le châssis, l’habitacle, mais on change le cœur mécanique de la voiture.

Les bénéfices sont multiples :

  • Zéro émission à l’échappement : plus de CO₂ ni de NOx pendant l’usage, pratique pour continuer à rouler dans les ZFE (Zones à Faibles Émissions).
  • Confort de conduite : silence, couple immédiat, zéro à-coups, c’est un autre monde pour une ancienne citadine ou une compacte des années 2000.
  • Valorisation d’un véhicule auquel vous tenez : voiture de famille, modèle coup de cœur, utilitaire encore sain… plutôt que de l’envoyer à la casse, on le modernise.
  • Moins de pièces d’usure moteur : fini les vidanges moteur, lignes d’échappement percées, embrayages à changer (souvent), etc.

Bien sûr, le retrofit ne transforme pas magiquement une voiture de 25 ans en Tesla dernière génération, mais il la rend beaucoup plus adaptée aux contraintes actuelles, tout en gardant son style et son caractère.

Comprendre le cadre légal du retrofit en France

En France, le retrofit est encadré par un arrêté depuis 2020. C’est une bonne nouvelle : on ne bricole pas dans son garage pour ensuite espérer passer au contrôle technique par miracle. Tout est normé et sécurisé.

Les grandes lignes à retenir :

  • Transformation obligatoire par un professionnel agréé : inutile d’imaginer un kit acheté en ligne et monté avec des copains le week-end. Seules les entreprises certifiées peuvent réaliser un retrofit homologué.
  • Homologation du kit : les kits de conversion sont validés par l’UTAC (organisme d’homologation), pour des modèles de véhicules précis (ex. Renault Clio 2, Fiat 500, Kangoo, etc.).
  • Respect du rapport poids/puissance : la puissance du système électrique ne doit pas excéder un certain pourcentage par rapport à l’origine, et le poids global doit rester sous contrôle pour des questions de sécurité.
  • Mise à jour de la carte grise : à la fin de la transformation, le véhicule passe en énergie « EL » (électrique) sur le certificat d’immatriculation.

En clair : on ne part pas d’une feuille blanche. Il faut coller à un kit validé pour un modèle donné, et passer par un pro. C’est une contrainte, mais aussi une garantie de sécurité et de conformité.

Choisir le bon véhicule à convertir

Toutes les voitures ne sont pas de bonnes candidates au retrofit. Avant même de parler de devis, il faut se poser les bonnes questions.

Les critères principaux :

  • État général du véhicule : carrosserie saine, châssis en bon état, pas (trop) de corrosion. Inutile d’électrifier une auto qui ne passera pas le prochain contrôle technique à cause du châssis.
  • Valeur affective ou utilité : une citadine fatiguée sans intérêt particulier sera rarement rentable à convertir. En revanche, une voiture de collection utilisable au quotidien, ou un utilitaire en très bon état, oui.
  • Compatibilité avec un kit existant : aujourd’hui, les professionnels proposent des kits pour certains modèles plutôt courants : petites citadines, véhicules utilitaires légers, quelques modèles emblématiques. Plus le modèle est diffusé, plus les chances de trouver un kit sont élevées.
  • Poids et usage : un gros SUV diesel de 2 tonnes n’est pas la cible idéale. En retrofit, plus c’est léger, mieux c’est (meilleure autonomie et coûts maîtrisés).

Beaucoup de spécialistes recommandent de considérer le retrofit si :

  • Vous roulez entre 5 000 et 15 000 km par an,
  • Vous utilisez régulièrement votre véhicule en ville ou en ZFE,
  • Vous comptez garder la voiture encore plusieurs années.

Étape 1 : diagnostic et faisabilité

La première étape concrète, c’est la prise de contact avec un professionnel du retrofit. Là, on passe du rêve à la réalité.

En général, le processus commence par :

  • Un premier échange à distance : on vérifie le modèle, l’année, le kilométrage, l’usage que vous en avez (trajets quotidiens, autoroute, urbain…).
  • Un contrôle physique du véhicule : le pro inspecte la structure, les trains roulants, les freins, la direction, la corrosion… et l’état global.
  • Une étude de faisabilité technique : type de kit possible, emplacement des batteries, adaptation du train arrière, renforts éventuels…

À ce stade, on répond aux questions clés :

  • Est-ce que ce modèle est compatible avec un kit homologué ?
  • Quel type d’autonomie est réaliste (et utile) selon votre usage ?
  • Quels compromis faudra-t-il accepter (volume de coffre, poids, agrément) ?

Pour un utilitaire, par exemple, le pro vérifiera si le plancher arrière peut accueillir des batteries sans trop réduire le volume utile ni surcharger le pont. Sur une citadine, l’enjeu est souvent de garder un coffre exploitable et une bonne répartition des masses.

Étape 2 : choisir le kit moteur et la capacité de batterie

Une fois la faisabilité validée, on passe au choix du « cœur » du retrofit : le moteur, l’électronique de puissance et le pack batterie.

Les grandes décisions à prendre :

  • Puissance du moteur : on ne cherche pas forcément à faire une voiture plus performante que l’origine. L’objectif est souvent de retrouver des performances proches, avec plus de couple à bas régime. Un petit moteur de 50 à 80 kW est souvent largement suffisant pour une citadine ou une compacte.
  • Capacité de la batterie : c’est LE paramètre qui conditionne l’autonomie, le poids et le prix. Des capacités courantes en retrofit tournent entre 15 et 30 kWh, pour des autonomies réelles de 80 à 200 km selon le véhicule et le style de conduite.
  • Type de charge : simple charge AC (prise domestique + wallbox) ou ajout éventuel de charge rapide DC (plus rare et plus coûteux). Pour un usage urbain/péri-urbain, la charge AC suffit souvent.

Le piège classique : vouloir absolument 300 km d’autonomie « comme une voiture électrique moderne ». En retrofit, ce n’est ni toujours réaliste, ni forcément pertinent. Une autonomie de 120 à 180 km est souvent suffisante pour le quotidien, tout en gardant un coût contenu et un poids raisonnable.

Étape 3 : dépose de la mécanique thermique

C’est là que les choses deviennent très concrètes : la voiture entre à l’atelier et ressort sans moteur thermique.

Les opérations généralement effectuées :

  • Dépose du moteur thermique, de la boîte si nécessaire, du réservoir et des conduites de carburant.
  • Retrait de la ligne d’échappement, du système de dépollution (catalyseur, FAP…).
  • Adaptation éventuelle des supports moteur et de la transmission (si la boîte mécanique est conservée ou non).

Sur certains kits, la boîte de vitesses d’origine est conservée, ce qui simplifie l’intégration et permet de garder un levier de vitesse (même si on roule souvent en 2e ou 3e en permanence). D’autres kits remplacent l’ensemble moteur + boîte par un bloc électrique relié directement au différentiel.

Cette phase est aussi l’occasion de vérifier et remettre à niveau :

  • Les freins (important avec un poids parfois en légère hausse),
  • Les amortisseurs et silent-blocs,
  • Les joints et éléments de sécurité (direction, train avant, train arrière).

Étape 4 : installation du moteur électrique et des batteries

Une fois l’ancienne mécanique déposée, on peut installer le nouveau système électrique.

Les grandes zones d’intervention :

  • Compartiment moteur : on y place souvent le moteur électrique, l’onduleur, parfois une partie du pack batterie ou des éléments annexes (convertisseur 12V, chargeur embarqué).
  • Sous le plancher ou dans le coffre : ce sont les emplacements typiques pour le pack batterie principal. Certains kits utilisent l’emplacement du réservoir d’essence pour y intégrer les modules.
  • Câblage haute tension : il relie les batteries, l’onduleur, le moteur et le système de charge. Tout est protégé, balisé et conforme aux normes électriques automobiles.
  • Interface avec les commandes existantes : pédale d’accélérateur, freins, direction assistée, parfois climatisation (via un compresseur électrique).

C’est une étape extrêmement technique, qui nécessite un vrai savoir-faire et le respect strict des protocoles de sécurité haute tension. C’est précisément pour cela que la transformation est réservée aux professionnels agréés.

Étape 5 : gestion électronique, tests et mise au point

Une voiture retrofitée ne se limite pas à des blocs posés dans la caisse. Toute l’électronique de gestion doit être paramétrée finement :

  • Calibration de la pédale d’accélérateur pour une réponse progressive et sécurisante.
  • Paramétrage de la recharge (intensité maximale, compatibilité avec les différents types de borne, protections).
  • Gestion du freinage régénératif : plus ou moins fort au lever de pied, éventuellement modulable via des modes de conduite.
  • Interface avec le tableau de bord : affichage du niveau de batterie, autonomie, alertes, etc.

Ensuite viennent les essais :

  • Tests statiques : vérification des tensions, des températures, de la communication entre modules électroniques.
  • Essais routiers : comportement de la voiture dans différentes conditions (ville, route, freinages appuyés, reprises…).
  • Ajustements : si la régénération est trop brusque, si la réponse à l’accélérateur est trop nerveuse, si le confort est altéré, tout cela peut être affiné.

C’est souvent à cette étape que l’on découvre le nouveau visage de sa voiture : silence à bord, couple disponible tout de suite, absence de vibrations. La même auto, mais une toute autre ambiance.

Étape 6 : homologation, carte grise et assurance

Une fois la partie technique terminée et validée par le professionnel, il reste un volet administratif indispensable.

Les démarches principales :

  • Dossier d’homologation : le professionnel prépare le dossier technique et administratif prouvant que la conversion respecte le cahier des charges (kit certifié, montage conforme, poids/puissance dans les clous).
  • Contrôle et réception : selon les cas, passage en centre UTAC ou DREAL pour valider la transformation. Les professionnels habitués à ces procédures savent généralement à quoi s’attendre.
  • Mise à jour de la carte grise : le véhicule passe alors en énergie « électrique » avec une nouvelle mention sur le certificat d’immatriculation.

Côté assurance, il faut :

  • Informer votre assureur de la modification du véhicule,
  • Fournir les documents d’homologation et la nouvelle carte grise,
  • Adapter éventuellement les garanties (valeur de remplacement, prise en charge du système électrique, etc.).

Certains assureurs sont encore frileux sur le retrofit, mais de plus en plus d’acteurs commencent à proposer des offres adaptées, surtout à mesure que la pratique se démocratise.

Combien coûte un retrofit et quelles aides existent ?

Question sensible… mais incontournable. Un retrofit électrique n’est pas (encore) une opération bon marché. Les prix varient selon :

  • Le type de véhicule (citadine, utilitaire, véhicule de collection),
  • La capacité de batterie choisie,
  • La complexité de l’intégration,
  • Le niveau de finition et de personnalisation.

À l’heure actuelle, on trouve en France des offres globalement situées entre 10 000 et 20 000 € TTC, parfois davantage pour des véhicules plus lourds ou complexes.

La bonne nouvelle, c’est l’existence d’aides financières :

  • Prime au retrofit : sous certaines conditions, l’État propose une aide pour la conversion d’un véhicule thermique en électrique, pour les particuliers comme pour les professionnels. Le montant et les critères évoluent régulièrement, il faut donc vérifier les conditions en vigueur au moment du projet.
  • Aides locales : certaines régions, métropoles ou communes ajoutent une couche de subventions pour encourager la conversion, notamment en ZFE.
  • Avantages fiscaux pour les entreprises : amortissements, exonérations partielles, etc., selon la nature du véhicule et le statut de l’entreprise.

L’équation économique dépendra de votre cas : kilométrage annuel, coût actuel du carburant, péages urbains, stationnement, accès ZFE, durée de conservation du véhicule… Il faut voir le retrofit comme un investissement à moyen/long terme, mais aussi comme une façon d’éviter l’achat d’un véhicule neuf.

Retrofit : pour quels usages c’est vraiment pertinent ?

Le retrofit n’est pas LA solution universelle, mais il est particulièrement intéressant dans certains scénarios :

  • Utilitaires en très bon état qui risquent d’être bannis des centres-villes à cause des ZFE, mais encore parfaitement utiles pour des tournées locales.
  • Petites citadines propres et en bon état, utilisées au quotidien sur des trajets de 20 à 60 km. L’autonomie limitée n’est alors pas un problème.
  • Véhicules de collection ou youngtimers qu’on veut continuer à utiliser sans être exclus de certaines zones urbaines, tout en profitant d’un agrément de conduite moderne.

À l’inverse, pour :

  • Les gros rouleurs autoroutiers,
  • Les longs trajets fréquents,
  • Les véhicules lourds non compatibles avec un kit existant,

un véhicule électrique neuf ou une hybride rechargeable sera souvent plus adapté.

Se lancer ou pas : comment trancher ?

Avant de signer pour un moteur électrique retrofit, quelques questions à vous poser franchement :

  • Vais-je garder ce véhicule au moins 5 à 8 ans ?
  • Est-ce que mon usage est compatible avec une autonomie raisonnable (100–200 km) ?
  • Suis-je attaché à cette voiture, ou est-elle stratégiquement importante pour mon activité professionnelle ?
  • Ai-je un accès simple à la recharge (prise domestique, parking, borne à proximité) ?

Si la plupart des réponses sont positives, le retrofit mérite clairement d’être étudié sérieusement. Une discussion avec un ou deux professionnels, un devis détaillé, et une simulation du coût global (carburant économisé, entretien réduit, aides perçues) vous permettront d’y voir clair.

Le retrofit électrique, c’est un peu le meilleur des deux mondes : garder ce que l’on aime d’une voiture (son style, ses souvenirs, sa praticité) en lui greffant un cœur moderne, silencieux et propre. Ce n’est pas une solution miracle pour tout le monde, mais pour certains véhicules et certains usages, c’est une vraie petite révolution sur quatre roues.

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