Cartel des batteries démarreur : l’UE inflige près de 72 millions d’euros d’amende — quel impact pour l’industrie auto

La Commission européenne a annoncé une décision sévère contre plusieurs acteurs du marché des batteries pour démarrage : Exide, FET, Rombat et l’association professionnelle Eurobat sont sanctionnés pour avoir, selon Bruxelles, participé à un cartel ayant duré plus d’une décennie. Le montant total des amendes s’élève à environ 72 millions d’euros. Clarios, anciennement Johnson Controls, s’en sort sans sanction car il a coopéré avec l’enquête en bénéficiant du statut de lanceur d’alerte (« leniency »).

Les faits reprochés

D’après la Commission, les entreprises concernées se seraient concertées entre 2005 et 2017 sur des éléments de prix, en particulier sur des « majorations Eurobat » appliquées au coût du principal intrant : le plomb. Ces surcoûts constituaient une base pour les négociations tarifaires avec les constructeurs automobiles et auraient permis de maintenir un niveau de prix artificiellement élevé sur le marché européen des batteries démarreur. De telles pratiques sont contraires à l’article 101 du TFUE et aux règles de concurrence de l’Espace économique européen.

Comment les amendes ont été calculées

La Commission précise avoir tenu compte de plusieurs facteurs pour déterminer les amendes : le chiffre d’affaires réalisé sur le marché des batteries dans l’Espace économique européen, la durée et la gravité des infractions, ainsi que la part de marché des entreprises impliquées. Les sociétés ayant collaboré avec les enquêteurs (demande de clémence) se sont vues appliquer des réductions de peine substantielles — c’est le cas de Clarios, qui a déclenché l’enquête en divulguant le cartel.

Conséquences économiques : qui paie l’addition ?

Les conséquences d’un tel cartel sont multiples et se répercutent tout au long de la chaîne :

  • Les constructeurs automobiles ont très probablement payé des batteries à un prix supérieur au marché concurrentiel, ce qui a alourdi leurs coûts de production ;
  • Les consommateurs finaux ont indirectement supporté une partie du surcoût via le prix des véhicules et éventuellement via des coûts de maintenance supérieurs ;
  • Des opérateurs du marché des pièces de rechange et des ateliers indépendants ont pu être défavorisés par ces prix surévalués.
  • Recours et réparations possibles

    La décision de la Commission facilite les actions en réparation : les entreprises et opérateurs lésés peuvent désormais saisir les juridictions nationales pour réclamer des dommages et intérêts. En droit européen, la décision de la Commission fait foi en tant que preuve du cartel, ce qui simplifie la procédure civile et renforce la capacité des victimes à obtenir une indemnisation.

    Le rôle et la portée de la « leniency »

    Le système de clémence (leniency) de la Commission a une fois encore montré son efficacité : quand une entreprise coopère pleinement et révèle l’existence d’un cartel, elle peut échapper totalement ou partiellement aux sanctions. Cette mécanique vise à fragiliser les cartels en incitant les membres à dénoncer l’entente. Dans cette affaire, Clarios a joué ce rôle, ce qui a permis d’ouvrir l’enquête et d’identifier d’autres protagonistes.

    Le cas Eurobat : une mise en garde pour les fédérations

    L’association professionnelle Eurobat a également été condamnée à une amende forfaitaire, ce qui envoie un signal clair : les fédérations et associations de branche doivent s’assurer que leurs activités ne deviennent pas un canal de facilitation d’échanges anticoncurrentiels entre membres. La Commission rappelle qu’un syndicat professionnel qui favorise des contacts incompatibles avec les règles de concurrence peut voir sa responsabilité engagée.

    Impacts industriels et stratégies à court terme

    À court terme, les fabricants de batteries devront revoir leurs pratiques commerciales et leurs mécanismes de détermination des prix. On peut s’attendre à plusieurs réactions :

  • renégociation des contrats d’approvisionnement entre fournisseurs de batteries et constructeurs ;
  • recherche de diversification des sources d’approvisionnement en plomb et autres composants critiques ;
  • initiation de programmes d’achat groupé ou de partenariats industriels pour stabiliser l’approvisionnement et réduire les coûts.
  • Questions de transparence et de gouvernance

    La décision met en lumière l’importance de la transparence des transactions interentreprises et de la gouvernance au sein des associations de filière. Les procédures internes, les archives de réunions et les échanges entre membres seront désormais scrutés de près : les entreprises devront formaliser davantage leurs échanges pour éviter toute interprétation de collusion.

    Effets sur l’approvisionnement et la transition énergétique

    Dans un contexte où la transition vers l’électromobilité modifie les besoins en batteries (batteries traction vs batteries démarreur), la stabilité des chaînes d’approvisionnement de matériaux comme le plomb reste stratégique. Cette affaire pourrait accélérer des initiatives visant à sécuriser l’approvisionnement : diversification géographique des sources, substitution matérielle et recyclage accru des batteries usées pour réduire la dépendance aux matières premières primaires.

    Perspective juridique et surveillance renforcée

    La sanction européenne envoie un message fort aux opérateurs : la surveillance continue s’intensifie et les pratiques anticoncurrentielles entraînent aujourd’hui des conséquences financières significatives. La Commission européenne, via ses mécanismes d’enquête et de clémence, reste un acteur majeur pour garantir la concurrence loyale dans les secteurs industriels essentiels.

    Que peuvent attendre les acteurs du marché ?

    Les opérateurs doivent s’attendre à :

  • une vigilance accrue des autorités de concurrence ;
  • des audits internes sur les pratiques commerciales ;
  • une possible hausse de litiges civils de la part d’acheteurs et de constructeurs demandant réparation.
  • Enfin, pour la filière automobile plus large, cette décision rappelle la nécessité d’une gouvernance rigoureuse et d’une économie d’approvisionnement résiliente — deux paramètres indispensables pour naviguer la transformation technologique et environnementale en cours.

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