Un brevet audacieux pour récupérer l’énergie du vent
Stellantis, le géant automobile issu de la fusion entre PSA et FCA, a récemment déposé un brevet pour un dispositif surprenant : exploiter le flux d’air généré par la circulation du véhicule afin de produire de l’électricité. Cette invention, repérée par Mopar Insiders dans la base de données du United States Patent and Trademark Office, promet de transformer le pare-grille avant de nos voitures en mini-centrale éolienne.
Principe de fonctionnement : des mini-turbines dans le radiateur
La technique brevetée repose sur l’intégration de plusieurs conduits d’air, appelés “troughs”, directement dans la calandre. Chacun de ces canaux comporte plusieurs ouvertures qui orientent le flux d’air vers de petites hélices. Concrètement :
- Six conduits incurvés disposés derrière la grille avant.
- Quatre ouvertures par canal pour optimiser la captation du vent.
- Mini-turbines placées en aval de ces ouvertures, destinées à faire tourner un petit générateur électrique.
- Évacuation du flux d’air sous le véhicule, afin de limiter les perturbations aérodynamiques visibles.
En roulant, l’air est naturellement poussé à travers ces conduits, entraînant les turbines et produisant un courant destiné à alimenter la batterie de bord, des accessoires ou même à soulager la charge de l’alternateur sur les moteurs thermiques.
Un faux perpétuum mobile ? Les limites physiques
Le dispositif rappelle l’idée d’un “perpetuum mobile” – une machine infiniment génératrice d’énergie. Pourtant, la physique reste implacable : récupérer de l’électricité à partir de l’air qui frappe la voiture augmente la résistance à l’air (traînée aérodynamique). Or, c’est bien le moteur ou la batterie qui doit fournir l’énergie supplémentaire pour compenser cette traînée accrue. En d’autres termes :
- Toute production d’électricité créée via les turbines se traduit par une plus grande consommation de carburant ou d’énergie électrique.
- Le rendement net reste faible, voire nul, si on le compare à l’énergie nécessaire pour déplacer l’air vers ces mini-turbines.
- Sur un véhicule électrique, maintenir la vitesse face à une traînée accrue réduit l’autonomie de la batterie.
Stellantis le reconnait d’ailleurs implicitement : le brevet ne promet pas d’énergie gratuite, mais une “énergie de secours” ou d’appoint, susceptible d’améliorer légèrement l’efficacité énergétique globale dans certaines conditions.
Applications potentielles et scénarios d’usage
Malgré le bilan énergétique mitigé, le brevet ouvre la porte à plusieurs usages intéressants :
- Alimentation des accessoires en stationnaire : les turbines pourraient fonctionner à faible débit pour fournir de l’énergie aux systèmes embarqués lorsque le moteur est à l’arrêt, réduisant le besoin de faire tourner l’alternateur.
- Récupération en phase de décélération : en décélérant, l’air qui continue de passer devant la voiture peut être canalisé vers ces mini-turbines, comme une variante du freinage régénératif.
- Ventilation passive : améliorer la circulation de l’air dans le compartiment moteur sans consommer de carburant, en maintenant une température optimale pour la batterie ou le moteur thermique.
- Recherche et développement : le concept peut servir de banc d’essai pour optimiser les systèmes de récupération d’énergie cinétique et aérodynamique.
Comparaison avec d’autres systèmes de récupération d’énergie
Dans le secteur automobile, on connaît plusieurs technologies de récupération : freinage régénératif sur les véhicules électriques, récupération de chaleur des gaz d’échappement, pompes à huile électriques. Le système “Fahrtwind” de Stellantis se positionne comme un complément :
- Le freinage régénératif exploite la cinétique du véhicule, sans augmenter la traînée aérodynamique.
- La récupération de chaleur dans les moteurs thermiques valorise la chaleur perdue.
- Le système à air mis au point par Stellantis utilise une partie du travail déjà fourni pour la résistance à l’air.
Chacune de ces méthodes présente ses avantages propres, et l’idée de récupérer le flux d’air complète ingénieusement ce panel, même si son apport énergétique restera marginal.
Défis techniques et perspectives
Plusieurs obstacles restent à franchir avant qu’un tel système ne soit commercialisé :
- Résistance mécanique : les mini-turbines doivent résister aux vibrations et aux projections de gravier et d’insectes.
- Entretien et durabilité : la présence de pièces mobiles demande un entretien régulier et peut augmenter le coût d’utilisation.
- Optimisation aérodynamique : limiter l’impact sur la traînée globale et garantir une efficacité suffisante pour justifier l’installation.
- Intégration électronique : gestion intelligente de la production d’électricité, coordination avec le réseau de bord et la batterie principale.
Stellantis évoque dans son brevet des scénarios d’usage en conduite à basse vitesse ou en phase de décélération, où la traînée devient moins pénalisante. L’entreprise pourrait également combiner ce système à des profils de grille active, pour n’ouvrir les conduits que lorsque l’énergie récupérée serait la plus rentable.
Enjeux pour l’industrie automobile
Ce brevet témoigne de la volonté des constructeurs d’explorer toutes les pistes pour améliorer l’efficacité énergétique. Même si l’impact net sur la consommation reste limité, il porte :
- Une image d’innovation et de créativité technique.
- Un terrain d’expérimentation pour la recherche sur la récupération d’énergie.
- La démonstration qu’aucune source de récupération n’est négligée, même le flux d’air.
Dans un contexte où chaque gramme de CO₂ et chaque kilowattheure comptent, cette idée venue de la recherche de Stellantis pourrait inspirer d’autres approches, plus rentables ou plus optimisées.