Peu de projets automobiles restent aussi mystérieux que la berline Audi RS2. Alors que l’Avant RS2 (le break) est entré dans l’histoire comme une icône des années 1990, très peu savent qu’Audi a envisagé une version berline haute performance — un rival potentiel de la BMW M3 E36. Resté à l’état de prototype, ce qu’on appelle aujourd’hui la « RS2 Limousine » témoigne d’une époque où Audi et Porsche travaillaient main dans la main pour repousser les limites du sport‑lifestyle dans le segment familial. Voici le récit technique et historique de ce projet avorté, et pourquoi il aurait pu changer la donne sur le marché des sportives à quatre portes.
Quatre prototypes, une ambition
Selon les archives et les témoignages, seulement quatre exemplaires de la RS2 Limousine ont été construits : deux internalisés chez Audi, dérivés d’unités S2 modifiées, et deux réalisés par un partenaire externe. Techniquement, ces berlines partageaient l’essentiel de la mécanique avec le RS2 Avant : le puissant cinq‑cylindres turbo de 2,2 litres poussé à 315 ch (232 kW) et 410 Nm, une boîte manuelle six rapports et la transmission intégrale quattro. L’idée était simple : offrir les performances d’un coupé sportif dans un habitacle à quatre portes, sans sacrifier la praticité.
Le moteur : le cœur du projet RS
Le moteur provient de la lignée 20V — une famille technique née à la fin des années 1980 et qui a évolué pour donner le bloc utilisé dans le S2 puis optimisé pour le RS2. Porsche a joué un rôle clé dans la phase d’optimisation : surcroît de turbocompression, révision de l’admission et de l’échappement, calibrage des cartographies. Le résultat pour le RS2 Avant : 0 à 100 km/h en 5,2 secondes et une vitesse maximale de 262 km/h, des chiffres qui plaçaient le véhicule au‑dessus de la plupart des berlines sportives de l’époque.
Pourquoi la berline n’a jamais été produite ?
Plusieurs facteurs ont conduit à l’abandon du projet :
Ainsi, la conjonction d’un changement de génération et d’un constat commercial mitigé a rendu le projet économiquement non viable.
La coopération Audi‑Porsche : un modèle industriel
Le RS2 Avant a vu le jour grâce à une ARGE (Arbeitsgemeinschaft) entre Audi et Porsche : Audi fournissait les carrosseries, tandis que Porsche réalisait la préparation moteur, l’assemblage final et l’équipement spécifique (suspensions, freins, finition). Cette collaboration a permis d’obtenir des éléments très haut de gamme — par exemple la pédale de freinage issue du Porsche 968 CS et les disques provenant du 993 Turbo —, conférant au break un comportement et des prestations dignes de véhicules beaucoup plus onéreux.
Un fantasme raté mais mémorable
Si la RS2 Limousine n’a pas dépassé le stade de prototype, l’idée d’une berline familialisée et radicale a continué de hanter les esprits chez les ingénieurs. D’autres études ont même imaginé des variantes : RS Coupé, RS4 sur base 100/A6, voire une déclinaison « S6 Plus » avec V8 surélevé. Finalement, Quattro GmbH (devenue Audi Sport) suivra des chemins différents, en privilégiant d’autres architectures moteur et des modèles de production plus adaptés à l’évolution de la gamme.
Ce que la RS2 Limousine nous apprend aujourd’hui
Le statut actuel des modèles
Le RS2 Avant a été produit à 2 896 exemplaires et est aujourd’hui un modèle recherché, avec des valeurs de collection qui reflètent son importance historique. La RS2 Limousine, quant à elle, survit à travers un prototype conservé dans la collection Audi Tradition — un témoin tangible d’un projet ambitieux et avorté. Les quatre exemplaires restants font désormais figure d’artefacts rares, étudiés par les passionnés et les historiens de l’automobile.
En définitive, la RS2 Limousine incarne un chapitre oublié mais éclairant de l’histoire d’Audi : une tentative audacieuse de décliner la sportivité extrême sur une plateforme familiale. Son abandon illustre les contraintes industrielles qui régissent le passage du concept au produit, et rappelle que derrière chaque prototype se cachent des choix stratégiques lourds de conséquences.
