Dans le paysage encore balbutiant de la mobilité électrique, EnBW mobility+ occupe une place centrale en Allemagne, avec ses milliers de bornes ponctuant autoroutes et parkings urbains. Pourtant, pour Fabian Kneule, directeur financier (CFO) d’EnBW mobility+, ce n’est pas tant l’expansion du réseau qui requiert l’aide de l’État, mais la stabilisation du prix de l’électricité pour les utilisateurs finaux.
Une facture énergétique qui pèse lourd
Depuis l’été 2022, les tarifs de l’électricité ont connu plusieurs hausses successives sur le marché spot, entraînant une forte inflation des coûts de recharge rapide et lente. Ce glissement pèse directement sur les abonnements et les tarifs à la borne, provoquant des réactions négatives chez les automobilistes et freinant l’adoption des véhicules zéro émission. Selon Kneule :
- Le coût du kilowattheure à la borne peut atteindre jusqu’à 0,60 €/kWh hors abonnement, nettement plus que le tarif résidentiel moyen à 0,30 €/kWh ;
- La part indexée sur le marché de gros rend les factures imprévisibles, rendant difficile la comparaison avec le budget carburant d’un véhicule thermique.
Conséquence : bon nombre d’usagers choisissent encore la station-service traditionnelle par crainte de surcoûts délirants.
Pourquoi l’aide à l’infrastructure ne suffit pas
Gouvernement et collectivités locales ont souvent proposé des subventions massives pour financer la pose de nouvelles lignes électriques à haute tension et de transformateurs dédiés à la recharge. EnBW mobility+ y a d’ailleurs participé, installant des postes de 300 kW le long des grands axes. Mais Fabian Kneule estime que ces investissements, s’ils restent essentiels, ne répondent pas au frein principal :
- Dépendance aux cours de l’énergie : un réseau étendu est inutile si l’électricité y reste trop chère ;
- Risque de surcapacités : subventionner la construction de bornes sans ajuster la demande entraîne parfois des stations sous-utilisées, faute d’un tarif attrayant ;
- Charge administrative : le versement de fonds publics pour le réseau engage de lourdes procédures de suivi, retardant les mises en service.
Pour le CFO, l’État gagnerait donc à réorienter son soutien vers la réduction du coût du kWh facturé aux usagers.
Relance de la prime à l’achat : un levier éprouvé
Fabian Kneule propose de réactiver une prime à l’achat pour accélérer l’acquisition de véhicules électriques, combinée à un mécanisme de bonus-malus pour tarifer la recharge :
- Bonus à l’achat : une aide allant de 3 000 € à 5 000 € selon la catégorie (citadines, familiales, utilitaires) et le revenu des ménages, afin d’élargir l’accès ;
- Malus sur l’abonnement : un tarif de référence de 0,25 €/kWh pour la recharge en heure creuse à domicile ou au travail, financé partiellement par une taxe modérée de 0,05 €/kWh sur la recharge rapide en service public.
Cette formule garantirait un tarif abordable pour 80 % des recharges, tout en créant un équilibre financier pour les opérateurs et les gestionnaires de réseau.
Subvention du kWh en voirie : cap sur la neutralité carbone
En complément, EnBW mobility+ suggère la mise en place d’un « tarif vert » sur les bornes publiques :
- Abattement de 0,10 €/kWh sur le prix public, valable 12 mois après la délivrance d’une plaque d’immatriculation électrique ;
- Réduction ciblée pour les flottes d’entreprise et les taxis, sous condition d’atteindre un taux de disponibilité minimal de leurs véhicules.
Un tel dispositif, souligne Kneule, renforcerait la compétitivité des flottes électriques et fluidifierait la transition vers la mobilité bas-carbone.
Chèque « Diagnostic batterie » : restaurer la confiance
Autre frein identifié : la crainte d’une usure prématurée de la batterie. Pour y remédier, EnBW mobility+ plaide pour un « chèque diagnostic » à l’occasion du contrôle technique ou lors d’un entretien dédié :
- Prise en charge de 50 % du coût d’un test de capacité et de résistance de la batterie, plafonné à 100 € ;
- Certificat antigel/antichoc thermique fournissant aux acheteurs d’occasion une garantie supplémentaire sur l’état du pack batterie ;
- Intégration des données dans un passeport numérique sécurisé, accessible à tout acheteur potentiel via QR code.
En sécurisant la revente des véhicules électriques, ce chèque pourrait déverrouiller le marché de l’occasion et dissiper les doutes des conducteurs hésitants.
Un modèle de soutien centré utilisateur
Plutôt qu’un financement massif du réseau, qui reste un enjeu technique majeur, Fabian Kneule préconise un modèle de subventions ciblées sur l’utilisateur final. Ce levier viserait trois objectifs :
- Stimuler la demande grâce à une prime à l’achat et un coût de recharge clair et attractif ;
- Garantir la pérennité des opérateurs via un tarif de référence stable, limitant l’exposition aux fluctuations du marché spot ;
- Renforcer la confiance avec un diagnostic batterie standardisé et une transparence accrue sur l’état du véhicule.
Ce schéma de soutien « bottom-up » laisserait le réseau se développer de manière organique, portée par une demande soutenue et en phase avec les capacités d’investissement des opérateurs privés.