Le Road Energy Production System (REPS) vient d’entrer dans une nouvelle phase : après des années de développement en coulisses, le prototype conçu par le start‑up autrichien a été mis en service en conditions réelles au port de Hambourg. L’idée est simple et séduisante : récupérer l’énergie mécanique générée par le passage des véhicules sur des dalles intégrées à la chaussée, et la convertir en électricité. À l’heure où chaque kilowatt compte pour verdir les sites portuaires et accélérer la transition énergétique, cette technologie mérite un examen critique : promesse technologique, contraintes économiques, et scénarios d’usage plausibles.

Comment fonctionne la solution REPS ?

La plateforme testée au port est une bande d’environ 12 mètres de long et 3 mètres de large, insérée dans la chaussée. Lorsqu’un véhicule la franchit, des plaques en acier s’enfoncent légèrement sous la charge. Un système hydraulique récupère cette énergie de déplacement, la transmet à une unité de conversion (générateur magnétique) qui produit du courant électrique. Le flux de trafic n’est pas perturbé : les dalles absorbent la course verticale puis reviennent à leur position initiale.

Rendement et chiffres annoncés

REPS fournit des ordres de grandeur parlants : 16 passages de poids lourds (Lkw) génèreraient environ 1 kWh. À l’échelle d’un grand site portuaire très fréquenté comme Hambourg, l’entreprise estime un potentiel pouvant couvrir jusqu’à 10 % des besoins énergétiques identifiés sur certains emplacements, soit des gigawattheures annuels si l’on déploie massivement la technologie aux points stratégiques (entrées de terminal, zones de ralentissement, postes de péage).

Où l’installer pour que cela ait du sens ?

  • Aux points de ralentissement et de freinage (péages, barrières d’accès, carrefours d’entrée de terminal), là où le transfert d’énergie est maximal.
  • Sur des voies très fréquentées par des camions lourds : plus la masse est élevée, plus l’énergie récupérable augmente.
  • Sur des sites clos et énergivores (ports, plateformes logistiques, grands centres de distribution) où l’électricité peut être consommée localement (bornes de recharge, éclairage, charges stationnaires).
  • Le modèle économique : conditions de rentabilité

    REPS avance des scénarios précis pour la rentabilité : la technologie devient intéressante lorsqu’il y a un trafic important — par exemple au moins 10 000 véhicules légers par jour ou 4 000 poids lourds —, et un coût d’installation amortissable en une dizaine d’années dans les conditions actuelles. Dans certains cas très chargeant (pensez à une station de péage alpine ou une entrée de port), la société affirme qu’une bande REPS de 100 m pourrait générer plusieurs millions de kWh par an et atteindre la rentabilité en seulement trois ans selon leurs calculs internes.

    Avantages réels et gains potentiels

  • Utilisation d’espaces déjà imperméabilisés : pas d’artificialisation supplémentaire du sol.
  • Production d’électricité là où elle est consommée : réduction des pertes réseau, opportunités de stockage localistes (batteries), alimentations directes pour l’éclairage, les bornes de recharge ou la logistique portuaire.
  • Réduction d’émissions indirecte si l’électricité produite remplace du courant issu de sources fossiles.
  • Les limites et interrogations techniques

    Plusieurs défis restent à résoudre pour généraliser la solution :

  • Durabilité mécanique : des dalles en acier et un système hydraulique sont soumis à un fort cycle de fatigue — la durée de vie réelle, les coûts de maintenance et la résistance à la corrosion en milieu portuaire (sel marin) sont des inconnues importantes.
  • Rendement énergétique peu élevé à l’unité : 1 kWh pour 16 Lkw est modeste — il faut de très forts volumes pour que l’installation soit significative.
  • Impact sur la sécurité routière : même si le flux n’est pas perturbé, la sensation au passage pour les conducteurs, l’usure pneumatique et les risques d’aquaplaning doivent être étudiés finement.
  • Aspects logistiques et d’intégration

    Pour être opérationnelle, la solution nécessite une intégration complète : stockage local (batteries), onduleurs, système de gestion d’énergie, et raccordement au réseau ou micro‑grid du port. De plus, le dimensionnement doit être adapté aux profils de trafic locaux — inutile d’installer REPS sur une voie peu fréquentée. Les ports, avec leurs pics permanents de circulation de camions, apparaissent comme des terrains d’expérimentation idéaux.

    Intérêt pour la transition énergétique et perspectives

    REPS se positionne comme un composant d’un bouquet de solutions décentralisées : production locale à partir d’une source jusque‑là ordinairement perdue. Dans le cadre d’un port intelligent, combiné à du photovoltaïque, à des stations de recharge et à des systèmes de stockage, REPS peut contribuer à l’optimisation énergétique globale. L’intérêt des acteurs internationaux (ports, gouvernements du Golfe, Department of Energy américain) montre que le concept attire, mais le succès passera par des démonstrations de maturité industrielle et des validations indépendantes des chiffres d’efficacité et de coût.

    Économie d’échelle et industrialisation

    REPS vise la production en série dès 2026 et prépare un tour de table pour l’international. La viabilité industrielle dépendra de la baisse des coûts unitaires via l’apprentissage et du choix de matériaux adaptés au milieu routier. Les économies d’échelle sont essentielles : plus l’unité produite est standardisée, plus le prix d’achat et d’installation devient compétitif vis‑à‑vis d’alternatives de production d’énergie décentralisée.

    Ce qu’il faut surveiller

  • Les résultats opérationnels sur 2–3 ans : fiabilité, coûts de maintenance et performance réelle comparée aux estimations.
  • L’adaptabilité aux climats extrêmes et zones marines (résistance corrosion, gel/dégel).
  • La réglementation : normes routières, responsabilité en cas de défaillance, intégration au code de la route et aux infrastructures portuaires.
  • REPS propose une solution originale pour valoriser une ressource jusque‑là inexploitable : l’énergie mécanique du trafic. Sur le papier, le potentiel est séduisant pour des sites industriels fortement motorisés. Reste à démontrer que l’innovation tient la durée — techniquement, économiquement et réglementairement — avant d’envisager un déploiement mondial.

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