Objectif 2030 : fin des ventes de thermiques pour les grandes flottes
La Commission européenne planche sur une nouvelle réglementation visant à interdire dès 2030 l’achat de voitures à moteur thermique par les loueurs et les gestionnaires de flottes d’entreprise. Cette mesure, évoquée dans un rapport d’AUTO BILD, concernerait les grands acteurs du secteur : Europcar, Enterprise, Sixt, Avis, mais aussi les sociétés de leasing financier comme ALD/LeasePlan ou VW Financial Services.
60 % du marché des véhicules neufs en jeu
Le poids économique de cette décision serait considérable : les flottes professionnelles représentent environ 60 % des immatriculations annuelles dans l’Union européenne. Sur les 10,6 millions de véhicules neufs vendus en 2024, près de deux tiers seraient concernés. Seuls les 40 % restants échapperaient à la contrainte, laissant les particuliers libres de continuer à acheter essence ou diesel au-delà de 2030.
Pourquoi accélérer l’électrification des flottes ?
L’argument principal de Bruxelles est simple :
- Adoption lente chez les particuliers : dans la plupart des États membres, les véhicules électriques ne représentent que 20 % des nouvelles immatriculations.
- Renouvellement rapide des flottes : les sociétés changent généralement leurs voitures tous les 1 à 3 ans, ce qui favoriserait un basculement massif vers l’électrique en peu de temps.
- Effet de levier sur le marché de l’occasion : l’arrivée d’un grand nombre de VE « casi-neufs » sur le marché secondaire rendrait ces modèles plus accessibles financièrement aux particuliers.
Réactions hostiles à Berlin
À Berlin, le ministère des Transports s’est publiquement opposé à ces projets : « Nous rejetons fermement cette mesure et avons déjà informé les loueurs », a déclaré un porte-parole du ministre. L’exécutif allemand souhaite préserver la liberté d’achat des entreprises et la stabilité du marché automobile.
Critiques de l’industrie automobile
Le VDA (Verband der Automobilindustrie), principal syndicat des constructeurs allemands, a dénoncé une « offensive réglementaire injustifiée ». Dans un communiqué, sa présidente Hildegard Müller a plaidé pour des investissements massifs dans les infrastructures de recharge avant de contraindre les flottes à basculer. Elle rappelle que 60 % des bornes de recharge européennes sont situées en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, et que de nombreux pays de l’Est sont encore très en retard.
Point de vue d’un loueur majeur
Sixt, l’un des leaders mondiaux de la location, estime qu’un tel « verbannement » repousserait les clients vers d’autres solutions de mobilité. « Les vacanciers n’utiliseront plus nos véhicules, et il sera quasiment impossible pour les entreprises de renouveler leurs parcs », affirme Nico Gabriel, membre du directoire. Selon lui, l’insuffisance de stations de recharge en zones rurales ou touristiques rend l’électrique encore peu adapté aux besoins du marché locatif.
Processus législatif et calendrier
Bruxelles a confirmé travailler « à une réforme des règles relatives aux flottes », mais n’a pas encore communiqué de calendrier précis. La Commission devrait présenter son texte à l’automne 2025, puis le Parlement et le Conseil de l’UE devront se prononcer. Plusieurs pays, dont l’Allemagne et la Pologne, devraient batailler pour atténuer ou repousser ces obligations.
Conséquences pour le consommateur
Si le texte est adopté en l’état, les répercussions pourraient être multiples :
- Basculement massif vers l’électrique : de 2030 à 2033, des millions de véhicules électriques rejoindraient le marché de l’occasion.
- Pression sur les infrastructures : le réseau de bornes devra être dimensionné pour absorber le trafic électrique croissant des flottes.
- Variation de prix : l’afflux de VE d’occasion pourrait faire baisser leurs tarifs, mais un phénomène inverse pourrait survenir avec le coût élevé des recharges rapides.
Des alternatives pour les flottes
Avant 2030, les entreprises pourraient adopter plusieurs stratégies :
- Hybrides rechargeables : une transition intermédiaire moins exigeante en infrastructures.
- Mobilité partagée : covoiturage et autopartage pour réduire le parc global.
- Contrats de location flexibles : permettre un ajustement rapide des flottes en fonction du contexte législatif.
Une échéance à surveiller
Alors que la fin de la vente des véhicules thermiques aux particuliers est fixée à 2035 dans la loi actuelle, ce « verrouillage par les flottes » pour 2030 pourrait précipiter la transition. Reste à voir si les États membres et le Parlement européen accepteront cette accélération ou imposeront de nouvelles conditions pour préserver la compétitivité et l’autonomie des entreprises.