samedi 7 juin 2025

Un porte-voitures en flammes sur le Pacifique

Dans la nuit du 3 juin 2025, le porte-autos Morning Midas, un navire de 18 ans d’âge, a pris feu en plein océan Pacifique. Parti de Chine à destination du Mexique, il transportait près de 3 000 véhicules neufs, dont environ 800 voitures électriques. Malgré la rapidité d’intervention de la vingtième mouette et des systèmes de lutte anti-incendie embarqués, l’équipage n’a pas pu contenir les flammes, et le navire dérive désormais à la dérive, toujours en feu.

Cargaison et origine du sinistre

La Morning Midas appartient à la compagnie Zodiac Maritime et était l’un des nombreux cargos sillonnant la route Asie–Amérique du Nord. Sur ses ponts en quinconce reposaient essentiellement des berlines et SUV thermiques, mais aussi une section consacrée aux véhicules électriques (EV). Les premières investigations suggèrent que l’origine de l’incendie se situerait précisément au niveau du pont EV, où la concentration de batteries lithium-ion est la plus dense.

  • Chargement total : env. 3 000 véhicules neufs.
  • Véhicules électriques : env. 800 exemplaires.
  • Trajectoire : Chine → Mexique, via le Pacifique.
  • Évacuation de l’équipage et état du navire

    Alertée peu avant minuit locale par un signal de détresse, la garde côtière japonaise et la US Coast Guard se sont mobilisées pour coordonner le sauvetage. Les 22 membres d’équipage ont activé les canons à eau et les extincteurs traditionnels, en vain. Après plusieurs heures de lutte, ils ont dû abandonner le navire en chaloupes et ont été secourus par un navire commercial à proximité.

  • Alarmement : 3 juin à minuit.
  • Équipage évacué : 22 personnes, toutes saines et sauves.
  • Navire en dérive : température extrême, risque d’explosion.
  • A lire aussi  Contexte : l’échec des pourparlers Honda–Nissan et l’offre surprenante de Toyota

    Au début de l’année 2025, les discussions exploratoires entre Honda et Nissan ont brusquement capoté. Honda, qui envisageait à l’origine un partenariat équilibré, aurait en fait cherché à acquérir le constructeur aux trois diamants. Face à cette tentative perçue comme hostile, Nissan a choisi de rompre les négociations et de procéder au remplacement de son PDG Makoto Uchida, remplacé par Ivan Espinosa, jusque-là directeur de la planification.

    C’est dans ce contexte de tension et de besoin urgent de renflouer sa trésorerie qu’est apparue une proposition inattendue : Toyota, le rival historique, aurait offert son aide à Nissan. D’après The Mainichi, relayé par Automotive News, cette offre viserait à éviter une crise majeure chez Nissan – mais la forme exacte que pourrait prendre ce soutien reste encore floue.

    Pourquoi Toyota propose-t-il son aide à un concurrent ?

    Plusieurs facteurs expliquent ce geste étonnant de Toyota, dont l’empire industriel pèse déjà des milliards de véhicules vendus chaque année :

    Préserver l’équilibre du secteur japonais : Un effondrement de Nissan affaiblirait tout l’écosystème industriel nippon et risquerait de profiter à des acteurs étrangers. Anticiper de futures synergies : Toyota détient déjà des participations chez Subaru, Mazda, Suzuki, Isuzu, Yamaha et Daihatsu. En adoptant une stratégie de minorité chez Nissan, Toyota renforcerait son influence tout en limitant les risques. Stabiliser ses fournisseurs : De nombreux sous-traitants fournissent à la fois Toyota et Nissan. En soutenant Nissan, Toyota protège indirectement sa chaîne d’approvisionnement. Formes possibles de cette “aide”

    Si l’offre de Toyota est confirmée, elle pourrait prendre plusieurs formes :

    Prise de participation minoritaire : Investissement financier direct dans le capital de Nissan, loin d’une prise de contrôle complète. De nombreux experts jugent cette solution légalement plus simple. Partage de plateformes techniques : Mise à disposition de technologies hybrides ou électriques de Toyota, permettant à Nissan d’accélérer sa transition énergétique sans développer ses propres solutions de zéro. Mutualisation des coûts de R&D : Cofinancement de projets de recherche sur les batteries solides, la conduite autonome ou la production de véhicules légers. Les partenariats passés de Toyota : un modèle éprouvé ?

    Toyota a déjà multiplié les collaborations fructueuses :

    Subaru : Codeveloppement des coupés sport GR86/BRZ et alliance sur des technologies de traction intégrale. Mazda : Intégration du système hybride Toyota dans le CX-50, fourniture de moteurs et de plateformes partagées. Suzuki et Daihatsu : Échange de micro-voitures et d’architectures compactes pour élargir la gamme de chaque marque.

    Ces coopérations ont permis à Toyota de réduire ses coûts, d’élargir son offre et de renforcer sa résilience face aux fluctuations du marché. Reste à savoir si Nissan pourra en tirer les mêmes bénéfices ou si les enjeux financiers et culturels seront trop difficiles à surmonter.

    Les défis à relever pour Nissan

    Du côté de Nissan, la situation est critique :

    Réduction des coûts : Le constructeur prévoit un programme de préretraite pour 20 000 administratifs dès l’été 2025, mesure inédite depuis 18 ans. Pression sur l’EBITDA : La rentabilité opérationnelle est sous tension, notamment à cause des investissements massifs dans l’électrification et les nouvelles normes d’émissions. Image de marque : Après plusieurs rappels produits et le scandale Ghosn, la confiance des investisseurs et des clients a été ébranlée.

    Un soutien technologique et financier de Toyota pourrait aider Nissan à réduire ses coûts de développement et à stabiliser sa situation, mais il ne suffira pas à résoudre seul tous les maux de l’entreprise.

    Les réticences face à cette alliance inédite

    Plusieurs observateurs soulignent les obstacles potentiels :

    Concurrence exacerbée : Toyota et Nissan s’affrontent sur de nombreux segments (SUV, véhicules électriques, micromobilité). Tout partage risquerait de froisser la stratégie concurrentielle. Questions antitrust : Bien qu’une participation minoritaire soit légalement envisageable, les autorités japonaises et internationales surveilleront de près les effets sur la concurrence. Diversité des partenariats Toyota : Certains craignent que Toyota ne soit déjà poussé dans ses retranchements par la gestion simultanée de multiples alliances. Perspective : vers une nouvelle ère de la coopération industrielle ?

    Si cette offre d’aide se concrétise, elle marquerait une rupture dans les relations historiques entre Toyota et Nissan. Mais elle pourrait également ouvrir la voie à une nouvelle forme de coopération industrielle au Japon, fondée sur la complémentarité des forces plutôt que sur la rivalité pure. Pour Nissan, c’est peut-être l’occasion de redresser la barre. Pour Toyota, une opportunité d’améliorer sa propre chaîne de valeur et de contribuer à la pérennité de l’industrie automobile japonaise.

    Le feuilleton n’est pas terminé. L’annonce officielle et ses modalités exactes seront déterminantes pour savoir si cette alliance inattendue peut réellement fonctionner et servir les intérêts des deux acteurs.

    Le cargo, désormais sans pilote, dérive au gré des courants. Les flammes ravagent toujours les ponts supérieurs, rendant toute intervention directe impossible. Les autorités estiment que la combustion ininterrompue pourrait durer plusieurs jours, voire semaines.

    Enjeux environnementaux et risques en mer

    Un feu de batteries au lithium pose des risques majeurs :

  • Émanations de gaz toxiques (CO, fluorures et oxydes de métaux lourds).
  • Pollution chimique des eaux par résidus de combustion et fuite d’électrolyte.
  • Risque de marée noire additionnelle si les cuves de ballast ou de fioul auxiliaire cèdent.
  • Cette situation rappelle le naufrage du Felicity Ace en 2022 et l’incendie du Fremantle Highway en 2023. Depuis 2022, plus de 10 000 véhicules ont été détruits dans ces catastrophes maritimes, pour un coût estimé à plus d’un milliard d’euros, selon Anja Käfer-Rohrbach du GDV (association allemande des assureurs).

    Limites des systèmes anti-incendie actuels

    La Morning Midas, comme beaucoup de cargos, est équipée de technologies de lutte datant des années 1950 :

  • Extincteurs CO₂ et mousses pétrolières, inefficaces contre les flammes de lithium.
  • Systèmes de détection conventionnels (fumée, chaleur), trop lents pour un départ de feu rapide.
  • Absence d’installations spécialisées pour la maîtrise d’incendies chimiques.
  • Selon le GDV, ces lacunes engendrent des feux inextinguibles, forçant l’équipage à abandonner le navire et laissant la cargaison se consumer.

    Solutions proposées pour sécuriser le transport EV

    Face à ces sinistres à répétition, l’industrie et les assureurs réclament des améliorations :

  • Détection automatique précoce : capteurs thermo-optique en continu, couplés à une alerte satellite.
  • Systèmes de brouillard à haute pression : water-mist capables d’abattre les flammes sans court-circuiter les installations électriques.
  • Compartimentage renforcé : caissons étanches pour isoler chaque groupe de batteries.
  • Surveillance thermique : drones embarqués et caméras infrarouge pour identifier les points chauds avant propagation.
  • Collaboration accrue : constructeurs automobiles et compagnies maritimes doivent travailler à des emballages et fixations spécifiques pour les batteries.
  • Les propriétaires de navires plaident également pour un financement public-privé afin d’installer ces technologies, dont le retour sur investissement se mesure en milliards d’euros évités par an.

    Les défis de la logistique EV à l’échelle mondiale

    Alors que les véhicules électriques gagnent des parts de marché, les routes maritimes entre l’Asie et l’Amérique du Nord deviennent vitales. Le sinistre de la Morning Midas souligne l’urgence d’adapter la chaîne logistique :

  • Multiplication des ports « Green EV » avec capacités de manutention et de chargement spécifiques.
  • Formation renforcée des équipages aux dangers des incendies de batteries.
  • Normes plus strictes d’emballage et de conditionnement des batteries à bord.
  • Coordination internationale pour l’échange de données en temps réel sur les cargaisons EV.
  • Les prochaines semaines seront déterminantes pour la Morning Midas, tout comme pour l’ensemble du secteur. Cette tragédie, si elle ne cause pas de victimes humaines, peut marquer un tournant dans la prise de conscience des risques liés au fret automobile et à la circulation des véhicules à énergie alternative sur les océans.

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