Le cinq‑cylindres Audi : 50 ans d’une histoire entre compromis technique et culte mécanique
Le moteur cinq‑cylindres chez Audi n’est pas né d’un plan marketing, mais d’un compromis technique astucieux devenu ensuite élément d’identité. En 1976, lors de la conception de la deuxième génération de l’Audi 100, les ingénieurs d’Ingolstadt cherchaient une motorisation plus compacte et plus légère qu’un six‑cylindres en ligne, mais capable d’offrir plus de souplesse et de puissance qu’un simple quatre‑cylindres. Plutôt que d’opter pour un V6 incompatible avec leur architecture, ils firent simple et ingénieux : allonger le quatre‑cylindres EA 827 d’une unité, donnant ainsi naissance au premier cinq‑cylindres 2,1 litres – le fameux « 5E » – installé pour la première fois dans l’Audi 100 C2.
Premières évolutions : de l’atmosphérique au turbo
Sorti en 1977, ce moteur initial donnait des puissances raisonnables (autour de 115 ch pour les versions atmosphériques), mais l’évolution majeure vint rapidement avec la suralimentation. En 1979, le 200 5T proposait déjà 170 ch grâce au turbo. Puis vint la révolution : l’Audi Quattro dévoilée en 1980 associait le cinq‑cylindres turbo à la transmission intégrale permanente, et, avec l’ajout d’un intercooler, la puissance atteignit 200 ch en version routière. Cette architecture moteur se révéla idéale pour concilier compacité longitudinale et caractère moteur : le cinq‑cylindres offrait un bon compromis entre couple, bandelong et dimensions d’installation.
Le cinq‑cylindres et le palmarès en rallye : naissance d’une légende
Sur la scène sportive, le cinq‑cylindres porta Audi vers des sommets. Le Quattro permit à Audi de remporter le championnat du monde des constructeurs en rallye dès 1982, et les victoires s’accumulèrent, avec notamment Hannu Mikkola (1983) et Stig Blomqvist (1984) sacrés en pilote. Les versions de course poussèrent très loin la mécanique : les préparations de groupe B atteignirent des puissances folles, du S1 de Walter Röhrl à l’énorme Audi Sport Quattro S1 qui prit Pikes Peak en 1987, démontrant la robustesse et le potentiel d’évolution du bloc cinq‑cylindres.
Du sport à la route : Sport Quattro et RS2
Pour homologuer et tester des évolutions, Audi créa des séries très exclusives comme le Sport Quattro, plus court et plus léger, qui embarquait un cinq‑cylindres 2,1 litres fortement préparé (306 ch en série, bien plus en versions de course). Plus tard, le RS2 – né d’une collaboration avec Porsche – montra que ce moteur pouvait aussi animer des familiales performantes : l’Avant RS2 offrit 315 ch, un comportement et des prestations dignes d’un vrai break sportif.
Diesel et TDI : le cinq‑cylindres aussi en diesel
Audi adapta également la configuration cinq‑cylindres au diesel. Dès la fin des années 1970 apparut une version diesel sur base de 2,0 litres, mais le tournant important eut lieu en 1989 avec le 100 TDI : le moteur TDI à injection directe de 2,4 litres délivrait 120 ch et un couple élevé, positionnant Audi en tête des évolutions diesel performantes. Le TDI accéléra l’acceptation du diesel dynamique en Europe avant que les secousses du scandale diesel n’affectent plus tard le groupe.
Fin d’une première ère et renaissance
Au milieu des années 1990, le cinq‑cylindres s’efface progressivement de la gamme moyenne d’Audi, remplacé par les V6 et autres architectures. Toutefois, le moteur ne disparut pas complètement et connut une renaissance dans les années 2000, lorsqu’Audi chercha à redonner de la personnalité à ses versions sportives compactes. Le cinq‑cylindres revint dans des TT RS et RS3 modernes, alors profondément remanié : injection directe, turbocompresseur, blocs en aluminium et calibrages aboutis permit d’atteindre des puissances modernes impressionnantes.
La mécanique moderne : EA‑855 Evo et les 400 ch
Le cinq‑cylindres moderne (EA‑855 Evo) est un concentré de technologie : bloc en aluminium, architecture compacte pour un montage transversal, turbocompression élevée et refroidissement optimisé. Dans ses dernières évolutions, ce petit moteur de 2,5 litres atteint 400 ch et 500 Nm, propulsant par exemple le RS3 à 0–100 km/h en 3,8 secondes. Audi conserve une fabrication presque artisanale pour ces unités hautes performances : assemblage sur lignes manuelles, contrôles à chaud et à froid, exigence sur l’équilibrage et les tests finaux.
Le son unique du cinq‑cylindres : signature acoustique
Au‑delà des performances, le cinq‑cylindres est adulé pour son caractère sonore : la combinaison d’une cylindrée impaire, d’une cadence d’allumage particulière (ordonnancement 1‑2‑4‑5‑3) et d’un angle de manivelle de 144 degrés produit un timbre singulier, reconnaissable entre tous. Audi a accentué ce trait avec des conduits d’échappement et des valves gérant la résonance, offrant une sonorité plus ou moins agressive selon le mode de conduite. C’est ce rugissement, à la fois rauque et chantant, qui fait vibrer bien des amateurs.
Pourquoi le cinq‑cylindres reste pertinent aujourd’hui
En guise d’éclairage technique
Si la mode électrique transforme aujourd’hui notre rapport au moteur thermique, le cinq‑cylindres d’Audi rappelle la valeur d’une architecture bien pensée : elle allie compacité, sonorité et possibilité d’évolution extrême. Les ingénieurs d’Ingolstadt, par pragmatisme originel, ont ainsi donné à la marque une voix — littéralement et mécaniquement — qui demeure un marqueur fort pour les modèles sportifs. Pour les passionnés, le cinq‑cylindres reste plus qu’un moteur : c’est un motif historique, technique et émotionnel, qui a traversé les époques et s’est réinventé pour atteindre des niveaux de performance que peu auraient pu imaginer en 1976.

