Un géant du secteur en grande difficulté
La faillite de l’équipementier automobile italien Marelli, officiellement déclaré en « Chapter 11 » aux États-Unis, marque un tournant majeur dans la crise que traverse actuellement la filière. Avec 45 000 salariés et un chiffre d’affaires annuel dépassant les 10 milliards d’euros, Marelli se classait au 31ᵉ rang mondial des fournisseurs autos selon le cabinet Berylls en 2023. Le dépôt de bilan en redressement judiciaire permet à la société de continuer ses activités tout en négociant une restructuration de sa dette sous la supervision de la justice américaine.
Pourquoi le Chapter 11 et comment fonctionne-t-il ?
Le Chapter 11, l’équivalent américain de l’insolvabilité en administration contrôlée, autorise Marelli à poursuivre la gestion de ses affaires, alors que 80 % de ses créanciers ont déjà signé un plan de restructuration. Une facilité de trésorerie de 1,1 milliard de dollars a été souscrite par les prêteurs pour assurer le financement immédiat, mais seule la moitié a été validée par le tribunal. Ce coup de pouce financier vise à maintenir la production, éviter la rupture des contrats avec les constructeurs et préserver l’emploi.
Chiffres clés et endettement record
- Dette estimée : entre 4 et 5 milliards de dollars selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
- Facilité de crédit : 1,1 milliard de dollars de financement d’urgence, dont environ 550 millions déjà autorisés.
- Accord de 80 % des créanciers : signature d’un plan de rééchelonnement de la dette garantissant un levier plus soutenable.
Cette dette titanesque reflète la pression exercée par la baisse du marché automobile, la transition vers l’électrification et les coûts liés à la montée en gamme technologique de la carrosserie à la connectivité embarquée.
Segmentation du portefeuille produits
Marelli intervient sur des segments critiques de l’industrie :
- Éclairage automobile : phares à LED et matrices adaptatives.
- Électronique embarquée : calculateurs, unités de contrôle du moteur et tableaux de bord numériques.
- Propulsions électriques : moteurs, onduleurs et boîtiers de batterie.
- Design intérieur : habillages, garnitures et systèmes multimédias.
- Châssis et suspensions : amortisseurs électroniques et systèmes de direction assistée.
Des secteurs dans lesquels Marelli était fournisseur de référence pour Stellantis, Nissan, Bosch et même Tesla, rendant l’arrêt d’activité ou un défaut de livraison potentiellement problématique pour ces constructeurs.
L’évolution du capital : KKR en retrait, SVP en embuscade
Le propriétaire actuel, la société de capital-investissement KKR, a confirmé son intention de se retirer. Parmi les créanciers, Strategic Value Partners (SVP) apparaît comme candidat principal au rachat. D’autres prêteurs notables figurent la Deutsche Bank, Fortress Credit Advisors et Mizuho Financial Group. Ce changement de main pourrait s’accompagner d’une réorientation stratégique, avec un renforcement de l’investissement dans les technologies propres et l’automatisation des usines.
Une entreprise centenaire à la croisée des chemins
L’histoire de Marelli remonte à Magneti Marelli, fondée en Italie en 1919. L’intégration chez Fiat en 1967, puis la scission et la vente en 2018 à Calsonic Kansei (sous contrôle de KKR) pour 5,8 milliards d’euros, illustrent déjà une trajectoire marquée par des restructurations. Aujourd’hui, l’entreprise fait face à un nouveau challenge : adapter son modèle économique à la révolution électrique et numérique, tout en préservant sa position historique de leader en éclairage et électronique.
Conséquences pour les équipementiers et la chaîne d’approvisionnement
Le cas Marelli met en lumière la vulnérabilité des sous-traitants face à la fluctuation de la demande et à la transition technologique :
- Risque de rupture de stock : retards dans la livraison d’éléments clés pour de nombreux modèles en production.
- Pression sur les prix : réduction des marges, renégociation des contrats avec les constructeurs.
- Emploi menacé : plans de sauvegarde de l’emploi à craindre, sauf si le redressement aboutit rapidement.
Les équipementiers de rang 2 et 3, dépendant souvent de Marelli pour des composants, pourraient également connaître des tensions financières et logistiques.
Scénarios et perspectives de redressement
Plusieurs options s’offrent à Marelli :
- Réduction du périmètre d’activité : cession partielle de branches non stratégiques pour générer des liquidités.
- Partenariats technologiques : alliances avec des start-ups et des acteurs des batteries pour renforcer l’offre EV.
- Optimisation industrielle : consolidation de sites de production, automatisation accrue et digitalisation des processus.
Le plan de restructuration validé par la majorité des créanciers et l’arrivée potentielle de SVP comme investisseur de référence seront déterminants pour orienter la suite des opérations et la sauvegarde de milliers d’emplois.
Enjeux pour les constructeurs automobiles
La pérennité de Marelli est cruciale pour ses clients :
- Stellantis : risque d’impacts sur l’approvisionnement en éclairage et électronique.
- Nissan : dépendance sur les modules électriques pour ses modèles hybrides et EV.
- Tesla et Bosch : contrats sur des unités de commande et capteurs critiques.
Les constructeurs devront activer leurs plans de contingence : diversification des fournisseurs, stocks de sécurité et accélération de la mise en place de solutions alternatives.