Un retournement majeur pour les ZFE en France

Le 17 juin 2025 restera une date clef dans la politique de mobilité française : l’Assemblée nationale a voté à 275 voix contre 252 l’abandon programmé des Zones à Faibles Émissions (ZFE) dans le cadre du projet de « loi de simplification ». Cette mesure, initiée en 2019 et renforcée en 2021, visait à réduire drastiquement la pollution atmosphérique dans les grandes agglomérations en interdisant l’accès aux véhicules les plus polluants munis d’une vignette Crit’Air 4 ou 5.

Crit’Air : une obligation toujours en vigueur

Malgré ce vote, les automobilistes devront continuer à arborer la pastille Crit’Air pour circuler dans les ZFE en place jusqu’à la promulgation définitive de la loi. Depuis le 1er janvier 2025, toute commune de plus de 150 000 habitants et leur périphérie sont soumises à cette obligation, y compris pour les véhicules étrangers. À ce jour, l’interdiction de circuler sans vignette concerne :

  • Les Crit’Air 5 en journée dans les périodes de pic de pollution.
  • Les Crit’Air 4, 3 et 2 selon un calendrier dégressif s’étendant jusqu’en 2028.
  • Les Crit’Air non classés (sans pastille) qui sont systématiquement bannis des ZFE permanentes.

Cette réglementation a été saluée par Santé publique France, qui estime à 40 000 le nombre de décès prématurés évités chaque année grâce à la réduction des particules fines et du dioxyde d’azote.

Les motivations des députés favorables à l’abandon

Le collectif d’élus ayant soutenu l’abrogation regroupe principalement les Républicains, le Rassemblement National et des membres des groupes MoDem et Horizons. Ils invoquent :

  • Une complexité administrative jugée excessive pour les usagers et les entreprises.
  • Un frein économique pour les zones industrielles et les artisans dépendant de véhicules Euro 5.
  • Une « inégalité sociale » qui pénaliserait les ménages modestes ne pouvant pas renouveler leur parc automobile rapidement.

Ces députés estiment qu’une suppression de la contrainte Crit’Air allégerait la vie quotidienne et soutiendrait l’activité des petites entreprises, notamment dans les zones rurales où l’offre de transports alternatifs est souvent limitée.

Les voix discordantes et le rôle du Sénat

Côté opposants, de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle et des écologistes dénoncent un « recul environnemental » :

  • Agir contre l’urgence climatique en supprimant un outil de lutte contre la pollution.
  • Mise en danger de la santé publique, alors que le lien entre exposition aux NO2 et mortalité est scientifiquement établi.
  • Mise à mal des engagements européens sur la qualité de l’air et risque de sanctions financières à Bruxelles.

Le projet doit désormais passer devant la commission mixte paritaire (CMP) où Sénateurs et Députés doivent trouver un compromis. Si le Sénat rejette la suppression des ZFE, l’Assemblée sera en position de force pour l’emporter.

Impacts prévisibles sur les agglomérations

La suppression des ZFE risquerait d’entraîner :

  • Une hausse des émissions de NO2 et de particules fines dans les centres urbains, avec un retour potentiel aux niveaux de 2018.
  • Un surcoût sanitaire lié à l’augmentation des pathologies respiratoires et cardiovasculaires.
  • Un effet dissuasif sur les politiques d’incitation au renouvellement vers des véhicules Euro 6 ou électriques, jugés coûteux.

De nombreuses villes – Paris, Lyon, Marseille – étaient sur le point d’interdire totalement les Crit’Air 4 et 3 d’ici 2026. Cette avancée permettait à ces métropoles de planifier sereinement la transition vers des flottes municipales plus propres et des transports en commun renforcés.

Conséquences pour les particuliers et les professionnels

Pour les usagers qui s’étaient conformés aux ZFE, l’abrogation représenterait une libération financière. Toutefois, cette mesure pourrait s’avérer contre-productive :

  • Ralentissement des ventes de voitures récentes équipées de technologies anti-pollution avancées.
  • Difficultés des artisans et livreurs dans la revente de flottes Euro 5, désormais sans valeur associée à la conformité ZFE.
  • Perte de confiance des investisseurs dans la filière électrique et hydrogène, freinant l’innovation et les emplois « verts ».

Les prochains rendez-vous législatifs

Après la CMP, le texte pourrait être de nouveau examiné en session plénière par les deux chambres avant promulgation par le Président de la République. Dans l’hypothèse d’une validation, un délai de six mois serait encore nécessaire pour formaliser l’abrogation officielle des ZFE et organiser le retour progressif à un système sans Crit’Air.

Dans tous les cas, la France devra définir un nouvel outil de pilotage de la qualité de l’air, sous peine de se retrouver dépourvue de réglementation locale pour encadrer la pollution automobile. Les débats à venir détermineront si le pays opte pour un modèle substitutif – bonus-malus plus restrictif, zones de circulation différenciée – ou relance la concertation avec les collectivités et les associations de santé.

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