Contexte : l’échec des pourparlers Honda–Nissan et l’offre surprenante de Toyota
Au début de l’année 2025, les discussions exploratoires entre Honda et Nissan ont brusquement capoté. Honda, qui envisageait à l’origine un partenariat équilibré, aurait en fait cherché à acquérir le constructeur aux trois diamants. Face à cette tentative perçue comme hostile, Nissan a choisi de rompre les négociations et de procéder au remplacement de son PDG Makoto Uchida, remplacé par Ivan Espinosa, jusque-là directeur de la planification.
C’est dans ce contexte de tension et de besoin urgent de renflouer sa trésorerie qu’est apparue une proposition inattendue : Toyota, le rival historique, aurait offert son aide à Nissan. D’après The Mainichi, relayé par Automotive News, cette offre viserait à éviter une crise majeure chez Nissan – mais la forme exacte que pourrait prendre ce soutien reste encore floue.
Pourquoi Toyota propose-t-il son aide à un concurrent ?
Plusieurs facteurs expliquent ce geste étonnant de Toyota, dont l’empire industriel pèse déjà des milliards de véhicules vendus chaque année :
- Préserver l’équilibre du secteur japonais : Un effondrement de Nissan affaiblirait tout l’écosystème industriel nippon et risquerait de profiter à des acteurs étrangers.
- Anticiper de futures synergies : Toyota détient déjà des participations chez Subaru, Mazda, Suzuki, Isuzu, Yamaha et Daihatsu. En adoptant une stratégie de minorité chez Nissan, Toyota renforcerait son influence tout en limitant les risques.
- Stabiliser ses fournisseurs : De nombreux sous-traitants fournissent à la fois Toyota et Nissan. En soutenant Nissan, Toyota protège indirectement sa chaîne d’approvisionnement.
Formes possibles de cette “aide”
Si l’offre de Toyota est confirmée, elle pourrait prendre plusieurs formes :
- Prise de participation minoritaire : Investissement financier direct dans le capital de Nissan, loin d’une prise de contrôle complète. De nombreux experts jugent cette solution légalement plus simple.
- Partage de plateformes techniques : Mise à disposition de technologies hybrides ou électriques de Toyota, permettant à Nissan d’accélérer sa transition énergétique sans développer ses propres solutions de zéro.
- Mutualisation des coûts de R&D : Cofinancement de projets de recherche sur les batteries solides, la conduite autonome ou la production de véhicules légers.
Les partenariats passés de Toyota : un modèle éprouvé ?
Toyota a déjà multiplié les collaborations fructueuses :
- Subaru : Codeveloppement des coupés sport GR86/BRZ et alliance sur des technologies de traction intégrale.
- Mazda : Intégration du système hybride Toyota dans le CX-50, fourniture de moteurs et de plateformes partagées.
- Suzuki et Daihatsu : Échange de micro-voitures et d’architectures compactes pour élargir la gamme de chaque marque.
Ces coopérations ont permis à Toyota de réduire ses coûts, d’élargir son offre et de renforcer sa résilience face aux fluctuations du marché. Reste à savoir si Nissan pourra en tirer les mêmes bénéfices ou si les enjeux financiers et culturels seront trop difficiles à surmonter.
Les défis à relever pour Nissan
Du côté de Nissan, la situation est critique :
- Réduction des coûts : Le constructeur prévoit un programme de préretraite pour 20 000 administratifs dès l’été 2025, mesure inédite depuis 18 ans.
- Pression sur l’EBITDA : La rentabilité opérationnelle est sous tension, notamment à cause des investissements massifs dans l’électrification et les nouvelles normes d’émissions.
- Image de marque : Après plusieurs rappels produits et le scandale Ghosn, la confiance des investisseurs et des clients a été ébranlée.
Un soutien technologique et financier de Toyota pourrait aider Nissan à réduire ses coûts de développement et à stabiliser sa situation, mais il ne suffira pas à résoudre seul tous les maux de l’entreprise.
Les réticences face à cette alliance inédite
Plusieurs observateurs soulignent les obstacles potentiels :
- Concurrence exacerbée : Toyota et Nissan s’affrontent sur de nombreux segments (SUV, véhicules électriques, micromobilité). Tout partage risquerait de froisser la stratégie concurrentielle.
- Questions antitrust : Bien qu’une participation minoritaire soit légalement envisageable, les autorités japonaises et internationales surveilleront de près les effets sur la concurrence.
- Diversité des partenariats Toyota : Certains craignent que Toyota ne soit déjà poussé dans ses retranchements par la gestion simultanée de multiples alliances.
Perspective : vers une nouvelle ère de la coopération industrielle ?
Si cette offre d’aide se concrétise, elle marquerait une rupture dans les relations historiques entre Toyota et Nissan. Mais elle pourrait également ouvrir la voie à une nouvelle forme de coopération industrielle au Japon, fondée sur la complémentarité des forces plutôt que sur la rivalité pure. Pour Nissan, c’est peut-être l’occasion de redresser la barre. Pour Toyota, une opportunité d’améliorer sa propre chaîne de valeur et de contribuer à la pérennité de l’industrie automobile japonaise.
Le feuilleton n’est pas terminé. L’annonce officielle et ses modalités exactes seront déterminantes pour savoir si cette alliance inattendue peut réellement fonctionner et servir les intérêts des deux acteurs.