dimanche 8 juin 2025

Lors de sa visite à la Maison-Blanche début juin, le chancelier allemand Friedrich Merz a posé à Donald Trump une question simple mais révélatrice : « Comment traiter les droits de douane sur nos voitures ? » Alors que les États-Unis viennent de porter de 2,5 % à 25 % le tarif sur les importations de véhicules et de nombreuses pièces détachées, Merz a profité de l’entretien pour aborder ce dossier épineux… tout en précisant qu’il conduit lui-même un BMW X3 monté à Spartanburg, aux États-Unis.

Un héritage protéiforme : de la Chicken Tax au « tarif à 25 % »

La hausse récente des droits de douane s’appuie sur un précédent historique : la « Chicken Tax » instaurée en 1964, au plus fort d’un conflit commercial autour des exportations de poulets entre les États-Unis et l’Europe. Les autorités américaines imposèrent un tarif de 25 % sur l’importation de certains véhicules utilitaires légers, dont était considéré le fameux VW Type 2 (le « Bulli »).

  • Jusqu’en avril 2025, le taux général sur les voitures particulières importées était de 2,5 % seulement.
  • Depuis le 3 avril 2025, ce taux est passé à 25 % pour l’ensemble des véhicules et de nombreuses pièces auto.
  • Pour les véhicules importés depuis le Canada et le Mexique, un droit de 27,5 % existait déjà, qui se cumule désormais au nouveau tarif pour atteindre 52,5 % sur les composants non produits aux États-Unis.

Cette augmentation spectaculaire – qualifiée par certains de « Chicken Tax pour toutes les voitures » – frappe de plein fouet les constructeurs européens, et notamment allemands, dont les exportations vers le marché américain comptent pour plusieurs centaines de milliers d’unités par an.

Tarifs américains vs exportations européennes : un déséquilibre commercial ?

Selon les données partagées par Merz lors de son entretien, l’Allemagne exporte chaque année environ 400 000 voitures vers les États-Unis. À l’inverse, les filiales américaines des grands groupes allemands, BMW en tête, produisent également plus de 400 000 unités sur le sol américain, destinées au marché mondial.

  • 400 000 véhicules allemands exportés vers les États-Unis par an.
  • Plus de 400 000 véhicules produits aux États-Unis par BMW, Mercedes et VW, puis exportés vers d’autres régions.
  • Valeur estimée des exportations de BMW à Spartanburg en 2024 : plus de 10 milliards de dollars.

Merz a donc proposé au président américain une « règle de compensation » (« offset ») visant à neutraliser les volumes exportés et importés, afin d’atténuer les tensions tarifaires et d’éviter une escalade des mesures de rétorsion.

La proposition d’« offset » : un mécanisme de neutralisation ?

Le principe de la « règle de compensation » est simple sur le papier : l’on compense le nombre de véhicules importés par l’Allemagne avec celui des véhicules produits sur place par les constructeurs allemands et exportés depuis les États-Unis. Concrètement :

  • On déduit du volume de voitures allemandes importées les unités sorties des usines américaines des mêmes constructeurs.
  • Le solde positif (plus d’importations que d’exportations) resterait soumis aux nouveaux droits de douane.
  • Dans l’hypothèse où les volumes seraient équilibrés, les taxes seraient neutralisées.

Cette idée, déjà avancée publiquement par BMW et Mercedes, vise à préserver l’emploi dans les usines locales tout en sauvegardant l’accès aux modèles allemands pour les consommateurs américains. Reste à convaincre l’administration de Trump de la pertinence d’un tel mécanisme.

Le BMW X3 de Merz : symbole d’une production locale

Pour illustrer l’engagement des constructeurs allemands aux États-Unis, Merz a évoqué son propre véhicule : un BMW X3 assemblé à Spartanburg, en Caroline du Sud. Le site de Spartanburg est le plus grand exportateur automobile des États-Unis :

  • En 2024, près de 396 117 véhicules produits, dont 225 000 exportés.
  • Plus de 2,7 millions de BMW expédiés vers le monde entier depuis 2014.
  • Les SUV X3 à X7 représentent le cœur de la production, adaptés aux goûts du marché américain.

Ce choix de véhicule sous-entend que l’industrie allemande ne se contente pas d’exporter depuis l’Europe, mais investit massivement dans des usines locales, créant ainsi des emplois et générant une forte valeur ajoutée sur le sol américain.

Enjeux politiques et commerciaux

La question des droits de douane sur l’automobile est devenue un enjeu géopolitique, mêlant pragmatisme économique et considérations électorales :

  • Les constructeurs locaux, notamment les pick-ups fabriqués aux États-Unis, bénéficient toujours de la « Chicken Tax » à 25 %.
  • La hausse généralisée menace le portefeuille des consommateurs américains, tout en fragilisant la chaîne d’approvisionnement mondiale.
  • Les gouvernements allemand et européen cherchent à négocier une issue favorable avant que la mesure n’entre en vigueur sur une durée prolongée.

Merz mise donc sur le dialogue direct et sur des solutions de compromis, à l’image de l’« offset », pour protéger à la fois les intérêts des entreprises allemandes et l’emploi outre-Atlantique.

Quels scénarios pour l’avenir ?

Plusieurs options restent sur la table :

  • Maintien des droits de 25 % sur tous les véhicules importés, sans concession.
  • Adoption d’une « règle de compensation » pour équilibrer les flux commerciaux.
  • Recherche d’un accord bilatéral Allemagne–États-Unis pour réduire ou supprimer les droits contre d’autres contreparties (investissements, partenariats technologiques…).

Le suspense demeure quant à la réaction de l’administration américaine, qui doit concilier protection de l’économie locale et relation avec un allié majeur. Reste à voir si Merz parviendra à convaincre Trump de l’intérêt d’une approche équilibrée plutôt que d’une escalade tarifaire.

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