Porsche a annoncé des résultats en rouge pour le troisième trimestre 2025, coïncidant avec le départ de son PDG Oliver Blume. Officiellement, cet épisode est imputé aux lourds investissements engagés dans la transition vers l’électrique. Mais en creusant, on découvre que les difficultés du constructeur sont plus profondes et liées à des choix stratégiques devenus contre-productifs face à des marchés en pleine mutation.

Des pertes inattendues malgré un bilan flatteur

Depuis 2020, Porsche surfait sur le succès de son premier modèle 100% électrique, le Taycan. Les chiffres de vente parlaient d’eux-mêmes :

  • 2020 : environ 20 000 unités vendues,
  • 2021 : plus de 41 000 unités,
  • 2022 : légère baisse à 34 000 unités,
  • 2023 : retour à plus de 40 000 unités,
  • 2024 : chute à près de 20 000 exemplaires,
  • 2025 (premier semestre) : seulement 8 300 Taycan immatriculés.
  • Or, un tel repli de la demande électrique, associé aux coûts de développement de nouvelles motorisations, pèse lourd dans les comptes. Devant la presse, Porsche a donc mis en avant ses dépenses pour l’électrification. Mais les véritables failles émergent à l’analyse des tendances de marché et des décisions de gamme récentes.

    La montée en puissance de la concurrence chinoise

    Les constructeurs chinois se sont affranchis de l’héritage moteur thermique pour se concentrer d’emblée sur l’électrique : économies d’échelle, contrôle vertical de la production de batteries et techniques parfois plus agressives en matière d’innovation logicielle leur offrent un avantage certain. Doublé d’un positionnement prix plus compétitif, le résultat est simple : des modèles très attractifs siphonnent désormais une partie de la clientèle européenne et américaine.

    Des marchés clefs en perte de vitesse

    Porsche a longtemps puisé l’essentiel de sa croissance en Chine et aux États-Unis. Or, les signes de retournement sont multiples :

  • En Chine, le net ralentissement de l’achat de véhicules premium et les tensions commerciales compliquent la profitabilité.
  • Aux États-Unis, l’application de droits de douane plus élevés sur les importations européennes rend les Porsche moins compétitives face aux marques locales.
  • Sur le Vieux Continent, la lenteur d’expansion des bornes de recharge haute puissance peut décourager les acheteurs de gros SUV électriques.
  • Ainsi, le contexte géopolitique et infrastructural exacerbe la difficulté pour Porsche de maintenir ses volumes de vente et ses marges.

    Quand la démocratisation de la puissance pénalise Porsche

    Le passage à l’électrique a « démocratisé » la performance : un SUV moyen de gamme chinois propose désormais parfois autant de chevaux qu’un Cayenne, à un prix inférieur. Pour Porsche, dont la réputation reposait sur l’excellence mécanique et des tarifs premium, cette nouvelle donne est périlleuse : pourquoi payer le surcoût d’une marque historique quand un modèle alternatif offre des chiffres proches ?

    Une erreur de calendrier : l’ÉV Macan remplace la version thermique

    L’une des décisions les plus contestées porte sur la seconde génération du Macan. Pour réduire l’empreinte carbone de sa gamme, Porsche a choisi de passer l’intégralité de ce SUV compact à l’électrique, supprimant la motorisation essence et diesel. Pourtant, la plateforme e-Macan, co-développée avec Audi, a pris du retard ; le modèle ne génère pas les volumes espérés, faute surtout d’une alternative essence proposée par un constructeur premium offrant confort et performances similaires.

    Cette absence de version thermique a entraîné :

  • Une perte d’acheteurs ne se sentant pas encore prêts à passer à l’électrique,
  • Un développement coûteux reporté jusqu’à fin décennie pour un nouveau SUV thermique de gabarit similaire,
  • Une rupture de continuité dans l’offre menant à des stocks stagnants.
  • Les limites du Cayenne électrique

    Face au succès du Cayenne, Porsche avait prévu un équivalent 100 % électrique. Mais les premiers essais ont révélé des faiblesses :

  • Portée réelle inférieure aux promesses lors de tests de long parcours,
  • Autonomie fortement réduite en cas de remorquage (3,5 t),
  • Recharge longue et relativement peu flexible dans les zones peu équipées en bornes ultra-rapides.
  • Résultat : Porsche repense le „Über-Cayenne“ (code K1) en version thermique, renonçant temporairement à l’électrique pour ce segment. Une volte-face qui augmente encore la pression financière, car les coûts de réingénierie s’ajoutent aux investissements déjà engagés.

    Renversement de stratégie et heavy restructuring

    Poursuivre l’électrification tout en réintroduisant des motorisations thermiques montre à quel point Porsche a sous-estimé la vitesse de transition des clients. Le constructeur doit maintenant :

  • Mettre en place un pipeline de modèles hybrides rechargeables pour amortir le basculement progressif,
  • Renforcer la distribution réseau en énergies et bornes spécifiques Porsche pour rassurer la clientèle,
  • Adapter son positionnement prix pour demeurer attractif face aux marques alternatives offrant une performance similaire moins chère.
  • Les résultats du troisième trimestre font apparaître qu’un simple plan d’investissement dans les batteries ne suffit pas : Porsche doit retravailler sa gamme, son calendrier produit et son image pour éviter que l’électrification ne reste un fardeau financier plutôt qu’une opportunité stratégique.

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