Une action de groupe inédite contre Tesla
Aux États-Unis, une cour fédérale de San Francisco vient d’autoriser une action collective contre Tesla. L’initiative, portée par deux groupes de conducteurs californiens, vise la promesse de « Full Self-Driving » (FSD) — le pack de conduite autonome du constructeur. Cette décision, rendue par la juge Rita Lin, marque une étape majeure dans le débat sur les capacités réelles des véhicules « autonomes » de Tesla.
Les fondements de la plainte
Depuis 2016, Tesla propose en option le pack FSD pour ses Model S, 3, X et Y, en affirmant que les voitures sont équipées du matériel nécessaire pour rouler sans intervention humaine. Pour un prix qui a souvent frôlé les dix mille dollars, les acheteurs ont versé leur acompte dans l’espoir d’un futur sans volant. Or, selon les plaignants :
- Le système FSD ne permet pas de conduire de façon entièrement autonome, même sur autoroute ;
- Tesla a multiplié les annonces et les démonstrations, laissant croire à une maîtrise complète du véhicule ;
- En pratique, la technologie se limite à un niveau avancé d’assistance, mais nécessite toujours la vigilance du conducteur.
Ces conducteurs estiment que la rupture entre promesse marketing et performances réelles constitue une tromperie, susceptible d’affecter des milliers de propriétaires ayant souscrit entre 2016 et 2024.
Décision de la juge Rita Lin
Rita Lin, juge au tribunal fédéral de San Francisco, a jugé que les réclamations sont suffisamment cohérentes pour fonder une action collective. Elle a ainsi validé la fusion de deux groupes de plaignants, estimant que leurs griefs « présentent des questions communes » :
- La publicité trompeuse sur les capacités du FSD ;
- Le montage matériel jugé inadapté à une conduite réellement autonome ;
- La différence entre l’« Autopilot » de base et le pack FSD souvent mal expliquée aux acheteurs.
Cette autorisation d’action collective signifie que Tesla devra répondre devant la justice et pourra être conduit à indemniser, si les juges le confirment, l’ensemble des acquéreurs lésés.
Autres batailles judiciaires pour Tesla
La class action californienne n’est pas la seule embûche pour Tesla :
- En juillet dernier, une jury de Miami a jugé Tesla partiellement responsable d’un accident mortel impliquant l’Autopilot, estimant que le conducteur avait perdu le contrôle sans que les systèmes d’assistance n’interviennent efficacement.
- Le département californien des véhicules à moteur (DMV) a lancé une procédure pour publicité mensongère, réclamant l’interdiction des ventes de véhicules équipés d’Autopilot et de FSD sur le territoire.
- Des actionnaires ont récemment déposé une plainte, reprochant à Elon Musk d’avoir exagéré l’état d’avancement de la conduite autonome pour soutenir les cours de Bourse.
Jusqu’à présent, Tesla parvenait souvent à solder ces litiges par des accords à l’amiable. Mais l’autorisation de cette action collective californienne change la donne, rendant un règlement extra-judiciaire plus complexe et plus coûteux.
Enjeux pour le futur de la conduite autonome
Dans l’industrie automobile, les promesses de véhicules autonomes ont longtemps alimenté les fantasmes de la Silicon Valley. Tesla, en misant sur une approche logicielle et des caméras plutôt que sur des lidars coûteux, prétendait accélérer la démocratisation de la conduite sans chauffeur. Aujourd’hui, les critiques redoublent :
- Crédibilité du modèle économique : le FSD représente une source de revenus non négligeable pour Tesla, mais son avenir dépend de l’arrivée effective d’une véritable autonomie de niveau 4 ou 5.
- Sécurité routière : de multiples rapports d’accidents soulignent les limites des systèmes actuels, incitant autorités et constructeurs à renforcer la réglementation.
- Confiance des consommateurs : les utilisateurs exigent transparence sur les limites techniques et sur les conditions d’utilisation pour éviter tout risque « d’auto-pilotage inattendu ».
Conséquences possibles pour Tesla
Si la justice donne raison aux plaignants, Tesla pourrait être condamné :
- à rembourser partiellement ou en totalité le montant des packs FSD achetés ;
- à verser des dommages et intérêts pour publicité mensongère ;
- à modifier ses campagnes marketing pour clarifier les niveaux d’assistance et les limitations du système.
Par ailleurs, ce jugement pourrait entraîner une surveillance renforcée de tous les constructeurs développant des technologies autonomes, redéfinissant les standards de communication et de responsabilité vis-à-vis des conducteurs.