Xpeng frappe fort avec la P7+ : une grande berline qui, sur le papier, repousse les barrières de l’électrification pragmatique. Présentée en versions BEV et EREV (range‑extender), la P7+ revendique des chiffres qui attirent l’attention — jusqu’à 430 km d’autonomie électrique en configuration range‑extender selon le cycle CLTC chinois — et une technologie de recharge ultra‑rapide en BEV. En tant que journaliste automobile, j’examine point par point ce que ces chiffres signifient réellement pour l’utilisateur européen, ce qui est techniquement plausible, et quels compromis attendre.
Deux philosophies : BEV pur vs EREV pragmatique
Xpeng propose la P7+ dans deux architectures bien distinctes. La version BEV s’appuie sur des packs LFP (60,7 / 74,9 / 76,3 kWh) et, pour le haut de gamme, sur une plateforme 800 V permettant une charge 5C ultra‑rapide (30 → 80 % en ~12 minutes selon le constructeur). L’autre approche, plus originale sur le marché européen, est l’EREV : une batterie de 49,2 kWh associée à un petit moteur 1.5 turbo (148 ch) agissant uniquement comme générateur pour prolonger l’autonomie globale (annoncée à 1 550 km combinés).
Sur le papier, l’EREV offre le meilleur des deux mondes : la plupart du temps, on roule en mode 100 % électrique, mais lors d’un long trajet, le générateur permet de ne pas dépendre exclusivement du réseau de recharge. C’est une solution particulièrement adaptée aux territoires où l’infrastructure de charge est incomplète.
Les chiffres de l’autonomie : prudence sur le CLTC
Il faut rappeler que les valeurs affichées sous le cycle chinois CLTC sont souvent plus optimistes que le WLTP européen. Ainsi, les 430 km annoncés en mode électrique pour l’EREV sont impressionnants mais vraisemblablement surestimés pour un usage européen réel : températures plus basses, autoroutes rapides et conduite plus soutenue réduisent la portée. Même en tenant compte d’un écart, une autonomie effective de 300–350 km en conditions européennes représenterait néanmoins une performance remarquable pour une configuration range‑extender.
La technologie 800 V et la recharge 5C : une promesse d’usage pratique
La BEV au sommet de la gamme profite d’une architecture 800 V et d’une charge 5C qui promettent de réduire drastiquement les temps d’arrêt lors d’un long trajet. En pratique, la réalisabilité de la charge en 12 minutes dépendra de trois facteurs : la température de la batterie, la courbe de puissance du chargeur et, évidemment, la disponibilité d’infrastructures capables de fournir une puissance compatible. En Europe, l’écosystème des bornes ultra‑puissantes progresse, mais il faut que l’opérateur de réseau local soutienne réellement ces puissances pour que l’argument tienne.
Architecture mécanique de l’EREV : simplicité ou complexité ?
L’EREV de Xpeng couple un petit moteur thermique, utilisé en générateur, à un moteur électrique qui entraîne les roues arrière (241 ch). Ce choix présente plusieurs avantages : le moteur thermique peut tourner en régime optimal pour produire de l’électricité efficacement, réduisant la consommation spécifique ; de plus, l’architecture permet de conserver une conduite proche de celle d’une voiture électrique.
Cependant, le mélange thermique + batterie alourdit le véhicule : le poids annoncé (~2 160 kg) reste conséquent. L’impact se fera sentir sur l’agilité et la consommation hors‑mode électrique. L’intérêt réside surtout dans la flexibilité : pas de stress de recharge en long trajet, et autonomie théorique très élevée pour ceux qui veulent traverser un pays sans contraintes.
Praticité : espace et polyvalence
La P7+ affiche un volume pratique intéressant — jusqu’à 2 221 litres avec les sièges rabattus — et des mensurations généreuses : une grande berline pour qui cherche confort et modularité. Cela en fait une candidate sérieuse pour les familles ou les voyageurs qui veulent le silence et la douceur d’une propulsion électrique sans sacrifier la possibilité de voyager loin sans planifier chaque arrêt.
Qualité perçue, software et ADAS : enjeux pour l’Europe
Xpeng a progressé en matière d’assistance à la conduite et d’écosystème logiciel (OTA, interface utilisateur). Pour un lancement européen, la marque devra garantir la conformité des systèmes ADAS aux normes locales, l’intégration linguistique et la sécurité des mises à jour. La confiance des clients dépendra aussi d’un réseau de service local et d’une disponibilité réelle des pièces de rechange.
Marché et positionnement : où se situe la P7+ ?
Xpeng vise le segment supérieur des berlines électriques et hybrides. Avec plus de 88 000 unités vendues en Chine sur une année, la P7+ montre qu’elle répond à une demande. En Europe, la concurrence est rude (Tesla, BMW, Mercedes, et une nuée d’offres chinoises en progression). Le positionnement gagnera à être clair : offrir une alternative crédible avec un meilleur rapport autonomie/prix, ou séduire par la technologie de recharge et la polyvalence EREV.
Pour qui la P7+ est‑elle faite ?
Points de vigilance avant un éventuel achat
En résumé, la Xpeng P7+ incarne une approche ambitieuse et pragmatique de l’électromobilité : elle marie performances BEV et sécurité d’usage EREV. Reste à voir combien des promesses chiffrées tiendront la route dans des conditions européennes. Si vous voyagez beaucoup et redoutez l’autonomie, le concept d’EREV mérite une attention sérieuse ; si vous avez accès à une infrastructure de recharge moderne, la BEV 800 V pourrait être séduisante. Dans tous les cas, la P7+ est une candidate intéressante qui démontre la maturation des constructeurs chinois sur le plan technologique et commercial.
