Dans un entretien retentissant accordé au Handelsblatt, Joachim Post, tout juste nommé à la tête du développement chez BMW, affiche une confiance presque démesurée : la marque munichoise serait désormais capable de devancer la « China-Speed », c’est-à-dire la cadence infernale de développement des constructeurs chinois. Mieux encore, BMW ambitionne non seulement de rattraper son retard, mais de placer la barre encore plus haut grâce à l’intelligence artificielle et à la « Neue Klasse », cette plateforme révolutionnaire dévoilée à l’IAA.
Parcours et prise de fonction de Joachim Post
Depuis juin 2025, Joachim Post (54 ans) succède à Frank Weber comme membre du directoire chargé de la Recherche et du Développement. Ingénieur diplômé (Dipl.-Ing.), il a rejoint BMW en 2002 et a gravi tous les échelons, assumant notamment :
- La direction des partenariats stratégiques avec Toyota et Brilliance Auto.
- La définition de la stratégie produit et feuille de route technologique du groupe.
- Le pilotage des achats entre 2022 et 2025, où il a optimisé la chaîne d’approvisionnement.
Fort de cette expérience transverse, Post dispose désormais d’un mandat clair : faire de BMW le champion de l’innovation et de la vitesse de mise sur le marché.
L’IA, moteur de l’accélération des cycles de développement
Le nouvel homme fort de la R&D place l’intelligence artificielle au cœur de la transformation :
- Réduction drastique des effectifs nécessaires : grâce à l’automatisation de la génération de code, des simulations et de la gestion documentaire, l’idéal serait de diviser par trois, voire par cinq, le nombre d’ingénieurs mobilisés, passant de plusieurs milliers à seulement 1 000 experts.
- Optimisation des processus : l’IA permet la validation virtuelle de milliers de paramètres en temps record, là où un processus classique aurait nécessité des prototypes physiques et des tests longs et coûteux.
- Gestion des connaissances : bases de données intelligentes, veille automatique sur la propriété intellectuelle et extraction instantanée des retours d’expérience des projets antérieurs.
Pour Post, cette révolution algorithmique est la clef pour atteindre un cycle de développement « à l’échelle d’une production de bretzels, comme disent les bavarois » : rapide, répétable et sans concessions sur la qualité.
Des partenariats stratégiques pour un coup d’accélérateur
BMW ne joue pas solo. Le constructeur mise sur des alliances ciblées pour amplifier son avance :
- Qualcomm : pour ses puces de conduite autonome et ses processeurs embarqués ultra-performants.
- Valeo : fournisseur historique d’optiques et de systèmes d’aide à la conduite, pour intégrer des capteurs de nouvelle génération.
- Momenta : start-up chinoise réputée pour ses algorithmes de perception et de fusion de données Lidar/radar, essentielle pour les fonctions de conduite automatisée.
Ces collaborations doivent permettre à BMW de proposer, dès fin 2026, un niveau 2+ avancé—autorisé en Europe—où le conducteur peut déléguer le volant jusqu’à 130 km/h, positionnant BMW en leader des autorisations réglementaires sur le Vieux Continent.
La « Neue Klasse », fondation d’une nouvelle ère
La plateforme dite « Neue Klasse » constitue le socle technologique de cette offensive. Le premier modèle, un SUV électrique baptisé iX3, a fait ses débuts à l’IAA. Selon Post :
- Le châssis intégral en aluminium et acier à haute résistance est optimisé pour accueillir une batterie de nouvelle génération, avec un bilan énergétique amélioré de 20 % par rapport aux architectures précédentes.
- Les composants logiciels sont modulaires : une base logicielle unique, mise à jour en ligne (OTA), garantit une maintenance simplifiée et un déploiement rapide de nouvelles fonctionnalités.
Investir massivement dans la « Neue Klasse » était risqué, mais Post confirme que c’était la bonne décision. Il promet désormais 40 nouveaux modèles en deux ans, une cadence inédite pour un constructeur de premium allemande.
Entre défi et réalité : les obstacles à surmonter
Si le discours est volontariste, plusieurs freins demeurent :
- Complexité réglementaire : chaque région (Europe, Chine, États-Unis) impose des normes différentes pour la conduite autonome, rendant la mise à l’échelle mondiale des fonctions avancées plus lente.
- Adoption par le marché : Post tempère l’idée d’un lancement imminent du niveau 4 ou 5, faute de demande suffisante pour rentabiliser des investissements colossaux.
- Concurrence chinoise : malgré ses doutes, BMW sait que les géants locaux (BYD, NIO, Xpeng) disposent d’écosystèmes verticaux, de subventions d’État et de volumes de vente bien supérieurs, ce qui facilite l’adoption rapide de nouvelles technologies.
Un leadership technologique revendiqué
Post n’hésite pas à adresser un message direct à Pékin :
- « Personne n’offre une palette aussi large d’innovations en production de série que nous. »
- Il cite en exemple un concurrent chinois qui aurait « emprunté » le concept de pare-brise panoramique de BMW pour son dernier modèle.
Pour Post, cette émulation prouve que BMW reste la référence technologique et que la marge d’avance est encore significative—à condition de transformer la stratégie en réalisations concrètes sur la route.
Perspectives 2026–2027 et enjeux
Quand le décompte des 40 nouveautés sera enclenché, BMW aura prouvé que la vitesse de développement n’est pas l’apanage des nouveaux venus. Mais le défi reste immense : maintenir l’excellence technique, satisfaire les attentes toujours plus élevées des clients et conserver une rentabilité sans sacrifier la qualité. Le pari de Joachim Post, c’est de conjuguer agilité start-up et savoir-faire historique, pour faire de BMW le standard mondial de la mobilité de demain.